Quand la mode devient un geste artistique
La haute couture est un laboratoire d’idées où la mode aurait le loisir de se réinventer. Elle le fait parfois quand elle se retrouve à la lisière de la création artistique et que les défilés deviennent des performances. – Isabelle Cerboneschi
15 novembre 2017
Quand la mode devient un geste artistique
15 novembre 2017
La haute couture est un laboratoire d’idées où la mode aurait le loisir de se réinventer. Elle le fait parfois quand elle se retrouve à la lisière de la création artistique et que les défilés deviennent des performances. – Isabelle Cerboneschi
Il y a dix ans, la néerlandaise Iris Van Herpen nous entraînait dans un autre monde, une couture expérimentale, radicale, où se mêlaient science et architecture, technologie et poésie. Dix ans plus tard, elle continue à nous enchanter avec ses défilés-performances et son savoir-faire inouï.
Avec sa dernière collection, elle donnait à voir l’invisible, exprimant en vêtements les ondes sonores et aquatiques. Ses robes semblaient être à la fois en totale harmonie avec les corps qui les portaient et mues d’une énergie indépendante. Elles vibraient au son de la musique aquatique du groupe danois Between Music, immergé dans des caissons remplis d’eau, et qui résonnait comme le chant des baleines.
Regarder ses vêtements c’était comme vivre une expérience synesthésique, un état où tous les sens se mélangent: toucher, vue, et ouïe. Les formes appellant les bruits, qui appellent les pensées, les sentiments, les mots… Profondément troublant.
Les défilés haute couture de Viktor & Rolf sont souvent déroutants. On ne sait jamais où leurs recherches les auront emmenés: vers une méditation zen, la destruction et la reconstruction d’une grande partie de leurs archives, des poupées géantes, des robes qui deviennent des tableaux vivants? « Depuis deux saisons nous revendiquons notre statut d’artistes qui font de la mode », m’expliquaient Viktor Horsting et Rolf Snoerren dans une interview en 2016. Et depuis qu’ils ne créent plus de prêt-à-porter, ils peuvent se laisser aller à des expériences extrêmes et tenter de repousser les frontières entre un univers et l’autre.
Suite à leur défilé, dans son édition du 10 juillet, le Woman’s Wear Daily a soulevé le fait que ce défilé avait des points en commun avec la recherche de Terrence Zhou, un étudiant de Parsons et Central Saint Martins qui avait postulé comme stagiaire chez eux, mais dont la candidature n’avait pas été retenue. La polémique étant née sur le compte Instagram de l’étudiant.
Oui, les Action Dolls de Viktor & Rolf, avec leurs grosses têtes, rappellent celles de Terrence Zhou. Mais on est loin de la copie servile telle qu’elle est pratiquée dans les enseignes de la fast fashion. Ce n’est pas la première fois que Viktor & Rolf mettent en scène des poupées, depuis leurs fameuses poupées russes de 1999. En revanche, les deux collections (et l’intention qui les sous-tend) n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Le propos de l’étudiant était une réflexion sur la chirurgie esthétique. Celui de Viktor & Rolf touche à la métamorphose du vêtement lui-même. On découvre une garde-robe évolutive, des trenchs, des vêtements transformables qui changent de sens selon qu’ils sont portés par des mannequins avec une tête de poupée ou sans, Doc Martens aux pieds. Une collection hautement désirable. Mais cette polémique a le mérite de soulever la question du processus créatif: d’où viennent les idées? Quel procédé de transformation s’active dans l’esprit des créateurs qui s’inspirent de tout ce qui les entourent?
Sequence émotion. Pour fêter les 10 ans de sa maison de couture, Stéphane Rolland a demandé à la mezzo soprano Béatrice Uria Monzon, d’accompagner de sa voix les mannequins vêtues de ses robes architecturées (il rêvait d’être architecte.)
Elles ont défilé, hiératiques, dans des pièces qui résument chacune le style du couturier: à la fois la rigueur et l’emphase, la géométrie et l’asymétrie, quelques envolées sculpturales, et une palette de couleurs réduite à l’essentiel: blanc, noir, or, avec juste une touche de rouge. Haute couture et Puccini se sont unis, pour le meilleur.
Juste avant le début du spectacle (ce n’est jamais vraiment un défilé chez Franck Sorbier), Isabelle Tartière, son épouse, sa muse, celle qui peint sur la soie comme si c’était une toile, m’annonce que « La collection est un joyeux bric-à-brac ». Un bric-à-brac d’une maîtrise et d’une poésie folle, entre cette derviche tourneuse harnachée comme une horloge détraquée dansant sur les rythmes de Créative Percussion et ce poème de Prévert Pour faire le portrait d’un oiseau dit par l’actrice Ophélia Kolb.
Et pendant ce temps-là, des petites filles vêtues de robes couleur de rêves, de rêves d’enfants forcément, formaient une ronde enchantée. Danse, musique, poésie, peinture, émotion, on est toujours un peu ailleurs chez Franck Sorbier.
Il y a dix ans, la néerlandaise Iris Van Herpen nous entraînait dans un autre monde, une couture expérimentale, radicale, où se mêlaient science et architecture, technologie et poésie. Dix ans plus tard, elle continue à nous enchanter avec ses défilés-performances et son savoir-faire inouï.
Avec sa dernière collection, elle donnait à voir l’invisible, exprimant en vêtements les ondes sonores et aquatiques. Ses robes semblaient être à la fois en totale harmonie avec les corps qui les portaient et mues d’une énergie indépendante. Elles vibraient au son de la musique aquatique du groupe danois Between Music, immergé dans des caissons remplis d’eau, et qui résonnait comme le chant des baleines. « La fluidité était importante pour cette collection mais aussi la manière dont les tissus se transformaient passaient du noir au blanc selon la lumière. C’est l’une des propriétés de l’élément aquatique que j’ai essayé de retranscrire dans les vêtements », expliquait Iris Van Herpen après le défilé.
Regarder ses vêtements c’était comme vivre une expérience synesthésique, un état où tous les sens se mélangent: toucher, vue, et ouïe. Les formes appellant les bruits, qui appellent les pensées, les sentiments, les mots… Profondément troublant.
Les défilés haute couture de Viktor & Rolf sont souvent déroutants. On ne sait jamais où leurs recherches les auront emmenés: vers une méditation zen, la destruction et la reconstruction d’une grande partie de leurs archives, des poupées géantes, des robes qui deviennent des tableaux vivants? « Depuis deux saisons nous revendiquons notre statut d’artistes qui font de la mode », m’expliquaient Viktor Horsting et Rolf Snoerren dans une interview en 2016. Et depuis qu’ils ne créent plus de prêt-à-porter, ils peuvent se laisser aller à des expériences extrêmes et tenter de repousser les frontières entre un univers et l’autre.
Suite à leur défilé, dans son édition du 10 juillet, le Woman’s Wear Daily a soulevé le fait que ce défilé avait des points en commun avec la recherche de Terrence Zhou, un étudiant de Parsons et Central Saint Martins qui avait postulé comme stagiaire chez eux, mais dont la candidature n’avait pas été retenue. La polémique étant née sur le compte Instagram de l’étudiant.
Oui, les Action Dolls de Viktor & Rolf, avec leurs grosses têtes, rappellent celles de Terrence Zhou. Mais on est loin de la copie servile telle qu’elle est pratiquée dans les enseignes de la fast fashion. Ce n’est pas la première fois que Viktor & Rolf mettent en scène des poupées, depuis leurs fameuses poupées russes de 1999. En revanche, les deux collections (et l’intention qui les sous-tend) n’ont rien à voir l’une avec l’autre. Le propos de l’étudiant était une réflexion sur la chirurgie esthétique. Celui de Viktor & Rolf touche à la métamorphose du vêtement lui-même. On découvre une garde-robe évolutive, des trenchs, des vêtements transformables qui changent de sens selon qu’ils sont portés par des mannequins avec une tête de poupée ou sans, Doc Martens aux pieds. Une collection hautement désirable. Mais cette polémique a le mérite de soulever la question du processus créatif: d’où viennent les idées? Quel procédé de transformation s’active dans l’esprit des créateurs qui s’inspirent de tout ce qui les entourent?
Sequence émotion. Pour fêter les 10 ans de sa maison de couture, Stéphane Rolland a demandé à la mezzo soprano Béatrice Uria Monzon, d’accompagner de sa voix les mannequins vêtues de ses robes architecturées (il rêvait d’être architecte.)
Elles ont défilé, hiératiques, dans des pièces qui résument chacune le style du couturier: à la fois la rigueur et l’emphase, la géométrie et l’asymétrie, quelques envolées sculpturales, et une palette de couleurs réduite à l’essentiel: blanc, noir, or, avec juste une touche de rouge. Haute couture et Puccini se sont unis, pour le meilleur.
Juste avant le début du spectacle (ce n’est jamais vraiment un défilé chez Franck Sorbier), Isabelle Tartière, son épouse, sa muse, celle qui peint sur la soie comme si c’était une toile, m’annonce que « La collection est un joyeux bric-à-brac ». Un bric-à-brac d’une maîtrise et d’une poésie folle, entre cette derviche tourneuse harnachée comme une horloge détraquée dansant sur les rythmes de Créative Percussion et ce poème de Prévert Pour faire le portrait d’un oiseau dit par l’actrice Ophélia Kolb.
Et pendant ce temps-là, des petites filles vêtues de robes couleur de rêves, de rêves d’enfants forcément, formaient une ronde enchantée. Danse, musique, poésie, peinture, émotion, on est toujours un peu ailleurs chez Franck Sorbier.