L’Homme, le premier parfum masculin d’Elie Saab signé Pierre Guéros
Au printemps 2025, une première fragrance masculine sobrement intitulé “L’Homme”, a vu le jour au sein de cette maison qui, jusqu’ici, n’avait parfumé que des femmes. Interview de Pierre Guéros, le parfumeur qui l’a créé. Valérie Donchez
Le parfumeur Pierre Guéros, créateur de L’Homme, le premier parfum masculin d’Elie Saab @Symrise
Depuis que le couturier Elie Saab a transmis les rênes de sa maison à son fils Elie Saab Jr, l’entreprise n’en finit plus de se développer. Avec son prêt-à-porter et ses collections couture, le couturier libanais habille les princesses du monde entier depuis des décennies et depuis quelques saisons, il propose aussi des looks sur mesure pour les hommes. A ce savoir-faire, il a ajouté la décoration d’intérieur et la construction d’un hôtel dans les Alpes suisses. Et enfin, ce printemps, un premier parfum masculin, sobrement intitulé “L’Homme”, a vu le jour au sein de cette maison qui, jusqu’ici, n’avait parfumé que des femmes.
L’Homme d’Elie Saab, créé par le parfumeur Pierre Guéros, se veut être le parfum d’un prince des temps modernes dont la personnalité mystérieuse oscille entre ombre et lumière, une addiction pour qui aime le vétiver. Celui que le parfumeur a utilisé est de la plus belle espèce, directement issu des terroirs exploités par Symrise à Madagascar. Même si sa note boisée aromatique peut sembler un peu convenue au premier abord, on se surprend très vite à s’abandonner à ce masculin qui surfe sur du velours. Parmi les notes coupables de nous faire chavirer, des baies roses que l’on peut associer à une montée de fraîcheur et qui apportent une texture incroyable, proche du velours. “J’ai utilisé une très belle qualité de baies rose, nous confie Pierre Guéros, et un petit secret : un très beau poivre de Madagascar de Lautier 1795, d’où un côté floral.”
Le résultat ? Une masculinité très équilibrée. Un classique au premier abord, qui vient très vite brouiller les pistes des codes masculins attendus. Dans l’élégance de son sillage, on surprend une fraîcheur, un esprit de liberté un brin irrévérencieux. L’Orient s’y dessine en filigrane.
Aleksa Gavrilovic, le mannequin égérie du parfum ©Elie Saab
INTERVIEW
En quoi L’Homme d’Elie Saab diffère-t-il des sorties masculines annuelles?
Pierre Guéros: Ce qui a été très intéressant et en même temps un peu challengeant dans la création de L’Homme, c’est le fait de réussir à retranscrire olfactivement l’identité de la maison Elie Saab dont l’univers esthétique est centré sur la femme. Chez Elie Saab, on reste dans l’exceptionnel, avec des robes pour le soir, pour des événements, des moments prestigieux et L’Homme devait porter lui aussi cette identité de manière olfactive.
Comment s’est déroulée la rencontre entre le couturier Elie Saab et le parfumeur que vous êtes?
Dans ma carrière, en dehors de la styliste Carolina Herrera, je n’ai pas souvent eu l’opportunité de travailler directement avec les couturiers quand ceux-ci veulent créer un parfum. En approchant L’homme, j’ai eu l’agréable surprise de me rendre compte que monsieur Elie Saab et son fils étaient très engagés dans le développement des parfums de leur marque. La première séance avec Elie Saab a été extraordinaire. Il m’a donné les clés de ce qui composait l’esprit de sa mode. L’ombre, la lumière, une certaine exigence dans le tailoring. Il a aussi voulu mettre l’accent sur l’idée de créer une couture qui soit universelle, même s’il y a une toute petite référence au Moyen-Orient dans ses créations puisqu’il est libanais.
Le vétiver est-il l’ingrédient clé des plus grands classiques masculins ?
J’ai eu envie de créer un parfum pour un prince moderne qui puisse être un succès dans toutes les régions du monde. J’ai choisi, pour cela de reprendre un ingrédient du premier féminin de la marque et qui est cher à monsieur Saab: le vétiver. Ce vétiver est très intéressant car il vient en résonance avec mes goûts personnels. Dans la société dans laquelle je travaille, Symrise, on développe depuis très longtemps un programme sur le vétiver provenant de Madagascar. Avec des fractions particulières, un terroir particulier. J’ai utilisé ce vétiver unique comme colonne vertébrale du parfum. C’est vraiment une matière première extrêmement sophistiquée. C’est un bois mais qui ne met pas le parfum directement dans une famille olfactive comme pourrait le faire le patchouli.”
L’Homme possède des notes cuirées, des notes épicées. Les notes poivrées et la bergamote apportent de la fraîcheur. En notes de fond, on retrouve des accords ambrés, du patchouli et du vétiver.
Il est étonnamment puissant tout en étant très équilibré. Comment l’avez-vous travaillé?
Nous avons beaucoup travaillé techniquement, dans les dernières semaines, sur la puissance, sur le blooming. Une puissance que nous avons facetée après avoir rencontré le mannequin égérie du parfum, Aleksa Gavrilovic. La virilité qu’il dégage m’a inspiré. J’ai voulu que la masculinité de ce parfum se projette aussi à travers sa puissance.
Les curseurs de la virilité ne sont pour autant pas tous poussés à l’extrême.
Effectivement. L’Homme n’est pas, pour commencer, une fougère au sens pur du terme. La formule ne contient pas de «Dihydromyrcenol», par exemple, ni de note purement aromatique. Créer un parfum qui tourne autour du bois permet d’avoir une structure générale plus élevée, plus haut de gamme, donnant une impression de richesse. Bien sûr, nous avons utilisé des notes aromatiques pour que le parfum soit identifiable comme un masculin. Il possède des notes cuirées, des notes épicées. Les notes poivrées de la tête, elles, apportent de la fraîcheur à la fragrance, avec la bergamote. Elles viennent remplacer les signaux de fraîcheur que l’on retrouve dans des créations plus aromatiques présentes sur le marché. En notes de fond, on retrouve des accords ambrés et même un peu de patchouli qui vont pousser le côté terrien et puissant du vétiver, qui devient presque smoky.
Est-ce votre manière d’équilibrer un parfum?
C’est ce que j’aime faire quand je conçois des parfums. J’adore travailler sur des fragrances qui soient un peu abstraites. Je pense également que pour créer de beaux parfums ayant vocation à être universels, dans le sens où ils sont équilibrés, facettés, on doit utiliser des matières premières qui permettent aux gens de se projeter. C’est quelque chose qui est assez noble en parfumerie. On peut allier audace et créativité tout en ayant en tête l’envie de faire un opus qui soit apprécié par beaucoup de personnes.
Que représente à vos yeux l’exigence olfactive?
L’exigence olfactive, je pense, est essentielle pour qu’un parfum puisse durer et devienne un classique de la marque. C’est une chose dont on ne peut jamais présager, mais c’est la technique au service du reste. Il faut toujours que la technique soit impeccable pour supporter le marketing.
Quel est le plus gros défi à relever avec un parfum?
Créer un nouveau classique!
Lire l’interview d’Elie Saab et de son fils Elie Saab Jr.
Site Elie Saab