Les cinq bougies
Pour la Saint-Sylvestre, voici un récit fictif inspiré du nom de cinq bougies parfumées protographiées par Buonomo & Cometti. Texte: Isabelle Cerboneschi
Chaque année, le 31 décembre, nous nous réunissons pour notre rituel. Nous l’avons inventé quand nous étions encore à l’Uni. Cela remonte à … Un certain nombre d’années. Il y a Carla, Amber, Audrey, Marie et moi. Le Club des Cinq, comme on aimait s’appeler. Nous n’avons jamais résolu aucune énigme à par celles que nous donnait notre professeur de droit pénal, mais nous avons toujours été là les unes pour les autres et c’est tout ce qui compte.
Le soir de la Saint-Sylvestre nous nous réunissons toujours chez Amber. C’est elle qui a la plus grande maison et il faut de l’espace pour recevoir nos tribus respectives. Depuis toutes ces années, nous n’avons jamais dérogé à notre fameux « dîner des cinq bougies ».
Ambre, L’artisan Parfumeur ©Buonomo & Cometti
En quoi est-ce que cela consiste? C’est simple et symbolique à la fois. Chacune est chargée d’acheter une bougie dotée d’un nom ou d’un parfum particulier qu’elle destine à l’une d’entre nous. Le but étant d’en trouver une qui sache évoquer la personne et pas seulement qui sente bon. A minuit, on éteint les lumières avant d’allumer ensemble la mèche des cinq bougies.
En ce 31 décembre 2025, la bougie Ambre est allée naturellement à Amber. Avec elle, le choix est trop facile: elle porte un prénom fait pour les parfums. Le feu s’est emparé de la mêche, hésitant tout d’abord, comme un souvenir qui cherche sa place, puis plus vaillamment. Aussitôt la pièce a changé de tonalité. La flamme a caressé l’air alentour, lui donnant une teinte chaude, comme son parfum, comme l’amitié.
Bohemia, Byredo ©Buonomo & Cometti
Carla a reçu Bohemia. Un excellent choix pour cette créature en mouvement, prête à partir vers n’importe quel ailleurs pourvu qu’il l’emporte loin. Avec ses notes chaudes d’opoponax et de rhum, relevées par la fraîcheur du géranium et du romarin, reposant sur un fond de vanille et de mousse, cette bougie est une invitation au voyage.
Santal Australia, ©Matière Première
Encore un choix facile: Santal Australia pour Audrey qui a dû quitter son Australie natale quand elle avait dix ans. Cette bougie a été créée afin de reproduire l’odeur particulière du santal australien lorsqu’il se transforme en essence parfumée, ce moment précis où la vapeur entre en contact avec le cœur du bois réduit en poudre. Il s’en dégage une fragrance boisée, crémeuse et enveloppante. Une senteur qui lui ressemble à Audrey.
Tubéreuse est allée vers la plus imprévisible de nous toutes: Marie. Son parfum capiteux, troublant, a envahi la pièce et sa flamme vacillait davantage que les autres. Nul ne s’en est étonné. Certains feux demandent de l’attention. Certains désirs aussi.
Tubéreuse, Diptyque ©Buonomo & Cometti
Quant à la mienne, elle s’appelle Palimpseste. Un mot comme je les aime. Palimpseste, c’est ce qui a été écrit, effacé et réécrit par dessus. C’est ce qui garde la trace des phrases anciennes cachées sous les nouvelles. C’est tellement moi cette œuvre inachevée faite de strates qui viennent s’ajouter à d’autres, tout en laissant les premières visibles. Quand j’ai allumé la bougie, l’air s’est empli d’un parfum de rose tout sauf désuet, une rose travaillée dans un esprit rock. J’ai eu le sentiment que la flamme réveillait autre chose que le parfum. Des voix anciennes. Le feu éclairait ce qui avait été recouvert sans avoir été effacé. Peut-être est-il temps de le faire…
Palimpseste, Celine ©Buonomo & Cometti
Au fil des heures je regardais la lumière des bougies danser sur les visages. Les flammes nous rendaient beaux. On laissait les fragrances s’emmêler, sans chercher à les distinguer, en se disant que l’année à venir allait naître de ce curieux mélange. Que nous réservera-t-elle?
Le temps semblait avancer au ralenti, comme retenu par la cire qui fondait lentement. Plus tard, bien plus tard, après que nous ayons soufflé les cinq bougies ensemble, il est resté dans l’air une odeur indéfinissable et la certitude que certaines lumières, comme l’amitié, ne s’éteignent jamais tout à fait.













