La montre Slim d’Hermès Flagship: l’essence d’Hermès sur un cadran

Ce garde-temps parle de la maison Hermès mieux que des mots. Elle est le résultat d’une rencontre entre une vision fantasmagorique et plusieurs métiers d’art horlogers. Le cadran, travaillé en gravure et en peinture acrylique, dévoile une scène onirique: on y découvre la boutique du 24 Faubourg transformée en vaisseau qui a largué les amarres et est parti voguer sur les cieux étoilés. Photographies: David Marchon. Texte: Isabelle Cerboneschi

« Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves… »* C’est à cette phrase de Shakespeare que l’on pense en regardant le cadran de la montre Slim d’Hermès Flagship. Ce qui apparaît sur le cadran ne peut être issu que de l’esprit d’un doux rêveur. La boutique amirale du 24 Faubourg Saint Honoré, transformée en vaisseau, a pris son envol et vogue toutes voiles au vent sur les cieux étoilés. Ce garde-temps, réalisé en 12 exemplaires, s’inspire d’un dessin signé Dimitri Rybaltchenko pour un carré de soie.

Le corps du bâtiment-vaisseau en or est gravé si délicatement qu’il semble surgir en trois dimensions du cadran. Les voiles ont été peintes à la peinture acrylique et l’ensemble repose sur une aventurine parsemée d’étoiles. L’ensemble est fantasmagorique et le regard s’abîme dans les moindres détails. On pourrait rester un temps indéfini à observer cette œuvre d’art miniature et laisser les aiguilles faire le tour de la question sans même y prêter attention.

Mais qui se cache derrière la réalisation de ce tableau miniature? Hermès a mandaté les ateliers genevois Blandenier, fondés par le maître-artisan d’origine neuchâteloise Christophe Blandenier. Il a appris le métier de graveur et de sertisseur à l’école l’école d’Art de la Chaux-de-Fonds et après avoir travaillé pour de grands noms de l’horlogerie genevoise, il a décidé de créer les ateliers Blandenier en 2007.

Hermès fait appel à lui pour réaliser des pièces complexes qui requièrent la maîtrise de plusieurs métiers d’art: la gravure, l’émail Grand Feu, la peinture acrylique. « Hermès nous présente un dessin inspiré d’un carré de soie et recomposé pour s’adapter à un cadran. Ensemble, nous choisissons les métiers les plus appropriés pour obtenir un rendu qui respecte le visuel présenté. » Dans le cas de La montre Slim d’Hermès Flagship, le choix s’est porté sur deux techniques: la gravure et la peinture miniature à l’acrylique. Une gageure car il s’agit de donner l’illusion d’une troisième dimension alors que la coque du bateau, qui est gravée sur un élément en or, n’est pas positionnée sur le même plan que les voiles, qui sont peintes à même le cadran.

« Pour que l’œil perçoive une information cohérente, nous avons réalisé l’applique qui forme la coque suffisamment fine pour que le contraste avec les voiles ne soit pas trop prononcé et nous avons déposé une peinture assez épaisse sur la voilure pour y apporter un peu de volume, explique Christophe Blandenier. Ce sont de petits aménagements nécessaires lorsque l’on veut passer d’un dessin plat à un objet en léger relief. Nous trichons pour faire croire à l’œil qu’il regarde un objet qui a du volume alors qu’il fait à peine une dizaine de millimètres d’épaisseur. »

L’illusion d’un vaisseau en 3D

Dans les ateliers de gravure, une artisane d’art travaille au binoculaire sur le vaisseau ornant le cadran. En quoi cette pièce est-elle un défi? « Ce qui est très compliqué, c’est de donner l’illusion d’un motif 3D alors que ce n’est pas le cas », explique-t-elle. Défi relevé! Quand on regarde le cadran, on a l’impression que le bateau est un bas relief, alors qu’en réalité, la surface est plane. Il s’agit d’un magnifique trompe l’œil.

« Pour donner l’illusion de la profondeur de ce bâtiment, nous devons jouer avec la structure des lignes du motif. On commence avec des lignes larges et on va en les affinant. Cela donne un effet de perspective. Pour y parvenir, nous varions la largeur du burin. Mais l’illusion de la 3D vient aussi du polissage: c’est là tout l’enjeu. Nous utilisons différents outils: des crayons en céramique pour matifier, des brunissoirs pour polir et des cabrons pour un rendu intermédiaire. Il faut maîtriser le dessin académique et connaître les règles de la perspective pour donner l’illusion du volume », poursuit la graveuse, qui a été formée dans une école d’art.

Quand on regarde la pièce terminée, on a le sentiment que les voiles sont gonflées par le vent. Ce trompe-l’œil a été réalisé par une artiste peintre qui travaille dans les ateliers.  Son travail relève d’un minutieux jeu d’ombre et de lumière. « Tout commence par le cadran en aventurine qui est étampé avec les contours du bateau et les étoiles filantes, explique-t-elle. Une fois que l’ensemble est sec, je peux ajouter la peinture sur les voiles. Je commence par peindre les plus petites parties. Il ne faut pas remplir deux espaces qui se touchent sinon on prend le risque d’enlever les contours. Je peins ensuite les parties plus grandes grâce à un pinceau épais, puis j’en choisis un extrêmement fin pour étirer la peinture vers les bords. Je dépose une première couche qui sert de base puis j’ajoute ensuite les ombres. C’est la partie la plus compliquée, les ombres. Et pour donner l’impression d’une voile gonflée par le vent, j’ajoute une épaisseur de peinture.»

Une comète malicieuse à 4 heures

Chaque année, Hermès présente des montres mettant en valeur différents métiers d’art. Leurs cadrans sont reconnaissables non seulement grâce à leurs motifs créatifs et colorés mais aussi par la présence d’un élément légèrement décalé, une pointe d’humour, ou de fantaisie. Dans le cas de La montre Slim d’Hermès Flagship, un petit cadran situé à 4h et orné d’une comète joue ce rôle de trublion.

L’étoile tourne de manière aléatoire selon le mouvement du poignet sans jouer d’autre rôle que de tourbillonner et de divertir le regard. « Cette comète est montée sur roulement à billes afin qu’elle se meuve librement, souligne Christophe Blandenier. Il s’agit d’un élément purement esthétique. Nous avons choisi le roulement à billes le plus petit que nous ayons trouvé sur le marché et nous avons dû ajouter un balourd pour créer un effet d’entraînement. Le cadran est petit; il fallait donc être très précis dans la fabrication et l’usinage de cet élément. Nous n’avions jamais réalisé de choses de ce type auparavant.»

« Lorsqu’un client achète une pièce mettant en scène différents métiers d’art, il adore imaginer que personne d’autre que lui ne possède exactement la même montre. Il existe forcément de petites différences visibles entre une pièce et une autre. C’est ce qui est beau dans nos métiers: chaque pièce est unique. C’est la nature même de l’artisanat. »

La Tempête, Shakespeare, acte 4