GemGenève, des carats et des merveilles

La première édition du salon GemGenève aura lieu du 10 au 13 mai à Genève. Initié par deux négociants en pierres précieuses et bijoux anciens, Ronny Totah et Thomas Faerber, le salon s’annonce déjà un succès: environ 150 exposants et la liste d’attente s’allonge. Les marchands et lapidaires rencontrés à New York attendent avec impatience leur venue à Genève. Photos:© Scott McDermott.- Isabelle Cerboneschi, New York.

Pendant des dizaines d’années, Ronny Totah et Thomas Faerber ont fait ce qu’ils savaient faire le mieux: acheter des parures anciennes, des saphirs birmans, des perles naturelles, des bijoux de provenance royale, des pierres précieuses, ils les ont exposés lors de foires et de salons, les ont vendus, parfois gardés.

Pendant des décennies, Ronny Totah et Thomas Faerber ont construit leur réputation comme on bâtit une maison solide destinée à abriter les générations futures. Ils ont fait leur métier avec la passion qui les anime, avec leurs intuitions, essayant d’avoir la chance de leur côté, car chaque achat est une prise de risque. Ils ont fait quelques erreurs aussi, «car celui qui n’en fait pas n’est pas un bon marchand », confie Thomas Faerber.

Voilà ce que Ronny Totah et Thomas Faerber ont fait pendant des dizaines d’années. Ils se connaissent depuis 40 ans. Cela fait de nombreuses foires partagées. Et puis en 2016, las de ne trouver un salon qui prenne en compte les besoins réels de leur métier, ils ont eu l’idée de le créer. Ils en ont parlé autour d’eux, aux partenaires, aux négociants, aux amis, et sans assurance, sans garantie de résultat, ces derniers les ont suivis. Il s’agit de noms très respectés de la planète joaillière, William Goldberg, Michael Gad, Yafa, Maria Canale, le GIA, le Gübelin Gem Lab, pour ne citer qu’eux parmi quelques 150 exposants.

La génèse de GemGenève?

«GemGenève est né de deux volontés qui ne s’étaient pas concertées au début, souligne Ronny Totah. Mais c’était dans l’air. Thomas et moi, chacun de notre côté, nous pensions qu’il serait temps de créer un salon sur mesure pour notre métier et nous nous sommes retrouvés à parler de la même chose.» «Et cette aventure, cette folie pourrait-on dire, est en train de se concrétiser! poursuit Thomas Faerber. C’est passionnant car nous apprenons tellement de choses. Ne serait-ce que le fait d’organiser un évènement: nous étions auparavant dans nos bureaux, chacun travaillant pour soi, et là nous sommes unis afin de réaliser quelque chose pour l’ensemble de notre métier.»

Les deux hommes travaillent sans relâche depuis huit mois sur ce projet, avec l’enthousiasme de deux jeunes startuppers qui espèrent que le salon sera à la hauteur de leur rêve et des attentes des exposants. J’ai eu le privilège de pouvoir les suivre pendant quelques jours à New York, dans les bureaux discrets des négociants de la 48ème rue. Ronny Totah et Thomas Faerber ont admiré certaines des pièces qui seront présentées à GemGenève, des suites d’émeraudes colombiennes chez Emco, des parures de diamants taille Ashoka® chez William Goldberg, « s’ils ne sont pas vendus d’ici-là », des bijoux historiques signées Cartier, Van Cleef & Arpels, Boucheron. Mais contrairement à leurs habitudes, ils ne sont pas venus à New York pour y faire des affaires: juste pour parler de GemGenève.

Ce salon va mettre en lumière des négociants et des tailleurs de pierres précieuses, des vendeurs de bijoux antiques, des chasseurs de trésor. «Nous voyageons tout autour du monde, en Suisse, à Hong Kong, dans tous les Etats-Unis, nous allons dans les salons, les ventes aux enchères, nous rencontrons des clients privés pour réussir à trouver toutes ces pièces. Il arrive que l’on tombe sur un bijou par hasard. C’est une quête», explique Maurice Moradof, le fondateur de Yafa, rencontré dans les bureaux de William Goldberg.

«Tous les exposants sont des petites et moyennes entreprises familiales, avec un patron, une philosophie, une éthique derrière, souligne Thomas Faerber. Nous avons créé ce salon pour faire vivre notre confrérie, nous occupons des niches et nous apportons des connaissances que seuls des individualités peuvent amener à notre branche.» «Je pense que GemGenève va être un salon exceptionnel, une formidable expérience, confie Maurice Moradof. La qualité des exposants que les organisateurs ont choisis est vraiment très élevée. Et quand vous mettez autant de personnes formidables dans un même endroit, des choses magnifiques adviennent.»

Toute cette aventure n’a pas commencé en 2016, mais bien avant. «Elle a commencé en 1970 pour Thomas, en 1980 pour moi, relève Ronny Totah. Ce sont toutes ces années pendant lesquelles nous avons noué des relations de confiance avec les acteurs de cette industrie qui nous ont permis de penser GemGenève et faire en sorte que ces derniers nous suivent. De même que quatre laboratoires mondialement reconnus de gemmologie: GIA, Gübelin Gem Lab, SSEF et GemTechLab.»

L’attente des exposants est grande. «Les précédents salons nous ont déçus et nous sommes tous dans l’expectative de GemGenève: tous les négociants de notre industrie sont hyper optimistes et nous nous réjouissons de faire de belles affaires ensemble», explique Justin Sachmechi de Michael Gad, en me présentant une parure sertie de diamants et de 13 émeraudes de Colombie taillées en poire totalisant 58,36 carats.

Les foires et les salons, c’est un peu la seule manière que cette industrie a de s’ouvrir au monde. Or se confronter quasiment une fois par mois à des «organisateurs qui doivent surtout vendre des mètres carrés» et qui ne font pas grand chose pour répondre aux besoins des exposants, peut excéder à la longue. «Nous avons conçu ce salon en nous mettant à la fois dans la peau de ceux qui organisent, de ceux qui visitent mais avant tout de ceux qui exposent, souligne Ronny Totah. Ceux-ci ont désormais un salon organisé par deux personnes qui pensent comme eux. Notre aventure, c’est une family affair.»

Genève, le coeur battant du monde de la joaillerie

Entre le Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH) en janvier, GemGenève en mai, L’EPHJ-EPMT-SMT – le Salon mondial de la haute-précision qui réunit les sous-traitants de l’horlogerie, en juin, avec 850 exposants réunis sur 36’000 m2 d’exposition, et les ventes aux enchères de mai et de novembre, c’est l’ensemble d’une profession qui est représentée à Genève. «Cela remet la ville à la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre», dit Ronny Totah. «Si Bâle est un point central pour présenter les montres, les bijoux ont besoin d’être exposés dans un environnement différent, or Genève est « The place to be », confie Ursula Piekut, directrice des ventes et du marketing chez Maria Canale Jewelry.

Le salon se tiendra la même semaine que les ventes aux enchères et il y aura un desk GemGenève chez Christie’s. Les deux grandes maisons que sont Christie’s et Sotheby’s offriront une certaine visibilité à ce nouvel évènement. Un cercle vertueux en somme: les clients des uns sont les clients des autres.

Dix-sept pays et toutes les religions seront représentées, et «nous serons tous paisiblement réunis ensemble», souligne Thomas Faerber. «Ensemble», voilà un mot que l’on entend très peu dans les salons, de nos jours…

Vu l’enthousiasme généré par une telle initiative, on peut raisonnablement croire à la réussite d’un modèle économique qui serait basé non pas sur le cynisme, l’arrogance, la vision à court terme et la rentabilité à tout prix, mais sur l’expérience, l’union, la passion commune et le respect de la parole donnée.