Trésors d’hiver
Depuis le 21 décembre, les jours ont commencé à rallonger et les nuits sont plus courtes. La période est idéale pour se réunir et se raconter des histoires à la lumière de quelques bougies. En voici une inventée autour des quelques photographies: les bougies de décembre par Buonomo & Cometti. Texte: Isabelle Cerboneschi. Photos & Style: Buonomo & Cometti.
Au cœur du Valais, non loin du village d’Icogne, il est une caverne secrète où l’on entre par une porte qui fait la difficile. Pour y parvenir, il faut longer le bisse de Lens et ne pas souffrir de vertige. Aménagé à flanc de montagne au milieu du XVI siècle, ce bisse servait à transporter l’eau des rivières, alimentées par la fonte des neiges, vers les terres cultivées du Valais central où les pluies étaient rares. La vue est majestueuse, mais l’accès ardu: Ie chemin longe des parois rocheuses vertigineuses et la falaise tombe à pic.
Il faut encore traverser des ponts suspendus et passer à travers un mur d’eau qui dissimule une brèche, si petite, qu’une seule personne peut y passer à la fois. L’antre est dissimulée au cœur de la roche et son entrée est un trompe l’œil. Mais même en possédant une carte, cet endroit se dissimule aux yeux des curieux qui auraient eu l’idée de venir le chercher.
Les maîtres de ces lieux ont parcouru la Terre entière pour cueillir les trésors de toutes sortes qu’ils y ont amassés et réunis pour des raisons obscures. Les pièces d’or antiques, les diamants de Golconde, les parchemins secrets, côtoient de l’ambre japonais, des épices et même de la poussière d’étoile gardée précieusement dans des papiers froissés… Les rares, très rares personnes qui ont eu l’honneur de pouvoir visiter cet antre magique ont découvert à leur grand étonnement, qu’à l’intérieur du gouffre poussaient des arbres d’or dont les feuilles précieuses ne tombaient jamais.
Chaque année, quelques jours avant la Saint Sylvestre et le passage vers une nouvelle année, les deux voyageurs se retrouvent dans la grotte pour allumer des bougies et les laisser brûler jusqu’à ce qu’elles s’éteignent. Leur parfums embaume les lieux et lui confère un air de sanctuaire. Ils viennent s’y recueillir et faire une pause après leurs longs périples.
Ceux qui ont rencontré les deux voyageurs racontent que l’un d’eux, par le passé, avait été aimé follement d’une sirène. Lorsqu’ils se sont quittés, il avait recueilli ses larmes au creux de ses mains. Elles étaient translucides comme l’eau claire des ruisseaux. Il les avait fait sécher sous un rayon de lune et au petit matin, elles s’étaient transformées en une douzaine de perles magnifiques. Une pour chaque mois de l’année. Pour ne pas l’oublier. Elles reposent désormais dans l’antre aux trésors, à l’abri d’un coffre orné de nacre et doublé de velours rouge.
Le second voyageur possédait des trésors impalpables et connaissait quelques secrets lointains que lui avait révélé le doux murmure du silence lorsque la nuit tombait sur les déserts d’Orient. Il les avait réunis dans un grimoire relié de cuir passé à la feuille d’or. Cet homme connaissait l’art de colorier les jours: les jours couleurs lilas, les jours couleur rubis, les jours couleur azur, les jours couleur écarlate, les jours couleur bleu des mers du sud, les jours couleur émeraude, les jours couleur aurore,… Tous les jours, même les plus tristes, méritaient à ces yeux, une touche de couleur.
Il a choisi de peindre ce 29 décembre en noir et or. Et si vous voulez savoir pourquoi, il faudra le lui demander…
Photographies: Buonomo & Cometti