Miko Miko, made in Paris

La marque Miko Miko sera officiellement lancée vendredi 15 décembre dans un pop up store parisien. La graphic designer Dyane de Serigny a dessiné les vêtements qu’elle rêvait de porter: des silhouettes comme on aime, bon mix entre Bauhaus et tradition anglaise. Coup de coeur. Isabelle Cerboneschi, Paris. Photos: Pierpaolo Ferrari

Pour lancer une nouvelle marque de mode en 2017 et décider qu’elle sera entièrement dessinée, conçue, fabriquée à Paris, il faut avoir une sacré paire de…,  ou une confiance absolue en ses désirs, ou croire très fort que ce que l’on aime, d’autres l’aimeront aussi, ou ne pas avoir peur d’aller au bout de son rêve, et si par dessus tout, on a une bonne étoile qui brille, ça peut aider aussi. La marque Miko Miko est fille d’un peu tout cela.

Derrière cette marque au nom double, il y a Dyane de Serigny. Une graphic designer et directrice artistique qui n’en est pas à son premier essai: elle avait crée Amish Boyish avec Nadège Winter en 2014. La marque tournait autour des bons basiques: sweatshirts et bombers. L’aventure a pris fin en 2016, avec le désir de Dyane de « créer une collection plus étoffée, moins capsule.»

Cette designer aux allures de princesse des neiges avait besoin de faire ce qui lui plaît. Seule. Traduire ses souvenirs et ses envies dans une garde-robe idéale. «N’avoir aucune limite artistique », dit-elle. Cette liberté d’expression a plu au photographe Pierpaolo Ferrari, qui a fondé avec Maurizio Cattelan le magazine Toiletpaper. C’est lui qui a créé les visuels de Miko Miko: couleurs hyper saturées, situations décalées frôlant l’absurde, et ce love facteur qui est sa signature.

Miko Miko, ça sonne comme Moshi Moshi, comme les glaces Miko en double dose de bonheur qui étaient proposées à l’entracte pendant les séances de cinéma à une époque que Dyane de Serigny n’a pas connue, mais qui reste imprégnée dans l’imaginaire collectif. « On a trouvé le nom avec mon amoureux (Philippe Zdar, du duo Cassius, ndlr) tout de suite », dit-elle.

« Cette marque est faite de rencontres. J’ai eu la chance de connaître les créateurs du studio parisien Hoon, qui développent d’autres marques que la mienne (Pigalle notamment, ndlr). Grâce à eux, je me suis lancée les yeux fermés car j’avais totalement confiance en notre équipe. Tout est dessiné modélisé, fabriqué à Paris: c’est une collection Made in Paris, et on en est très fiers. Cela nous permet de travailler comme un vrai studio, comme une vraie maison, avec un modéliste qui refait les toiles, les essayages, autant de fois que nécessaire. C’est un vrai luxe et cela se sent dans la réalisation.»

Dans les premiers vêtements griffés Miko Miko, une collection courte de 14 pièces, on perçoit des réminiscences de la biographie de Dyane de Serigny. Son passé de photographe-artiste qui a exposé dès 2008 et dont quelques oeuvres ont été vendues aux enchères chez Christie’s en 2008. «Au départ, je pense mes vêtements comme des objets: j’aimerais les regarder. C’est un peu fétichiste comme démarche. Ensuite, j’ai besoin d’avoir envie de les porter». La création se fait en deux temps: on part du plus fou pour aller au moins fou, et on adapte. Mais pour la première collection on s’est fait plaisir en faisant des vêtements qui soient une signature.»

La référence artistique principale est évidente: le Bauhaus. « Mon pitch secret c’était British Bauhaus, confie Dyane de Serigny. On retrouve cet esprit sur le bustier avec le symbole du Bauhaus, le pantalon de toutes les couleurs. On a même développé le premier imprimé Miko Miko qui me fait penser aux fenêtres de Venise», dit-elle.

Par delà ces références artistiques, on sent l’influence de l’enfance anglaise de Dyane de Sérigny (elle a vécu en Angleterre de l’âge de 8 ans jusqu’à 15 ans) dans les motifs pied-de-coq, dans l’usage des draps de laine anglais, ou à travers les couleurs des uniformes d’écoliers. « J’étudiais à l’école française et malheureusement nous ne portions pas d’uniforme alors que je rêvais d’en avoir un. Une copine avait détourné le sien en raccourcissant ses jupes, en y brodant des milliers de patchs et cela m’est resté. On retrouve quelques codes de ces uniformes de boarding school dans la collection. Je me les suis réappropriés en les « twistant », comme la veste de blazer bleue, la canadienne, le smoking en vinyl, ou encore le côté jockey du bombers. »

Cette collection, c’est un peu le chaînon manquant de son propre vestiaire: les vêtements que la designer rêvait de porter et ne trouvait chez aucune marque. «Chaque pièce est à la fois extrêmement confortable et protectrice. Ce côté protecteur, c’est quelque chose que j’ai toujours recherché dans un vêtement, mais sans qu’il soit engonçant. Je souhaitais que l’on se sente dedans comme à la maison. J’aime que le manteau soit très très long pour que l’on puisse se draper dedans et porter dessous un pyjama sans que personne ne le sache. J’ai rallongé la canadienne, qui est à l’origine un modèle court, aussi pour ce côté protecteur. Et les pantalons ont des tailles hautes, parce que ça maintient, ça rassure, comme des mains qui vous prennent par la taille ». L’époque n’est pas rassurante et dans ces vêtements carapace, on sait que l’on va pouvoir faire face.

Sans oublier l’humour. « Ce petit côté anglais, cette gamme de couleurs flashy – le vert, le jaune, le rouge –  j’en ai eu besoin pour insuffler de la gaieté dans la collection. Ça donne un côté Pop, un esprit Swinging London qui permet de se jeter dans le quotidien de manière plus légère. Quand on évoque Miko Miko, j’aimerais qu’on pense à une mode Arty & Playful. D’ailleurs  pour la prochaine collection j’ai choisi une gamme de couleurs qui est celle des jouets pour enfants. Des couleurs primaires très tranchées.» Quand Dyane de Serigny évoque les teintes qu’elle va utiliser, ses références sont artistiques: elle dit « le bleu Paulin », par exemple, qui évoque celui qu’utilisait souvent le designer Pierre Paulin.

Les images de la collection sont signées Pierpaulo Ferrari. Il y a une adéquation évidente entre les couleurs des vêtements Miko Miko et l’univers du photographe; comme si le travail de l’un avait été fait pour s’emboîter dans le style de l’autre. La campagne révèle une Alice au pays des merveilles moderne qui, après avoir croqué dans un Rubik’s cube, est devenue plus petite qu’une banane ou qu’un gros singe en peluche. « J’ai rencontré Pierpaolo grâce à mon chéri, qui fait de la musique et qui est l’un des deux artistes du duo Cassius (Philippe Zdar, ndlr). Ils avaient confié la création de la pochette de leur dernier album à Toiletpaper. Je suis fan comme beaucoup de monde de leur travail et j’ai demandé à Pierpaolo s’il voulait bien shooter ma première collection: il a dit oui tout de suite. On est partis à Milan dans leur studio et c’était fantastique! C’était important pour moi de travailler avec lui car je voulais marquer dès le début et de manière très forte la direction artistique de Miko Miko. Le logo est particulier, je voulais que les photos le soient aussi. J’ai préféré des images de campagne et pas des simples silhouettes parce que quand on démarre on ne peut pas tout avoir: on est obligé de choisir. Et Pierpaolo c’est une signature évidente. J’ai envie de travailler avec lui pendant quelques saisons, s’il est d’accord, et l’idée serait par la suite de collaborer avec un artiste différent à chaque collection.»

La prochaine saison de Miko Miko, l’automne hiver 2018/19, sera présentée comme toutes les autres, en février prochain. Un défilé? « Je n’y pense même pas à ce stade de notre développement! J’aimerais trouver un moyen sympathique, humain de la montrer. J’ai installé le showroom dans le studio d’enregistrement de Philippe. Cela n’a rien à voir avec un showroom habituel, et pourtant je m’y sens bien. Tout le monde s’y sent bien, d’ailleurs. On n’a pas besoin de faire comme les grands alors qu’on n’est pas grand.»