Chanel entre tweed vert gazon, diamants et santiags

Le défilé haute couture automne-hiver 2022/23 de Chanel s’est tenu en juillet dernier dans un décor op-art conçu par l’artiste Xavier Veilhan sur une musique de Sébastien Tellier. Virginie Viard, la directrice artistique de Chanel, a dessiné une collection qui convoque tous les codes de la maison, mais avec un twist. Isabelle Cerboneschi, Paris

La semaine de la haute couture, qui s’est tenue à Paris en juillet dernier, était l’une des premières fashion week post-Covid où les invités avaient retrouvé leur rang et les mannequins le podium. Certains couturiers en ont profité pour exprimer toute l’étendue de leur monde imaginaire alors que d’autres se sont frottés au principe de réalité. Or la reine en ce domaine est Virginie Viard, la directrice artistique de Chanel. « J’aime casser l’approche graphique avec une allure naturelle. Les vêtements restent légers, féminins, pensés pour être portés. Je ne me vois pas faire autrement », dit-elle au sujet de la collection haute couture automne-hiver 2022/23.

Le premier look du défilé, qui s’est tenu à l’Etrier de Paris dans un décor géométrique Op-Art signé Xavier Veilhan sur une musique de Sébastien Tellier, était un tailleur de tweed vert gazon flamboyant. Comme une autorisation à démarrer et aller de l’avant.

Chanel haute couture automne hiver 2022-23 Fall-Winter 22-23 look 1 Copyright Chanel

Même si les 44 looks étaient une parfaite démonstration des différents métiers d’art maîtrisés par la maison, comme cette robe blanche sertie de plumes peintes à la main qui semblait vouloir s’envoler au fil des pas du modèle, même si cette collection était une affirmation de tous les codes de la maison, comme les tailleurs en tweed notamment, elle portait en elle une intention clairement affichée: celle de répondre aux besoins et aux envies des clientes de la haute couture. Une forme de pragmatisme onirique traversait l’entier du défilé comme un fil précieux. Mais avec un twist: les mannequins, qu’elles soient en tailleur de tweed ou en robe du soir, portaient presque toutes des santiags.

«Dans cette nouvelle collection, on trouve des tailleurs, des robes longues comme Mademoiselle Chanel les concevait dans les années 1930, près du corps, même si elles sont ici assez épaulées, et des robes plissées, notamment la robe de mariée. De la dentelle aussi, incrustée, retravaillée, qui n’est pas brodée mais repeinte. La palette se compose de vert vif, kaki, beige, rose, beaucoup de noir et d’argent », note Virginie Viard. On pouvait aussi retrouver dans cette collection l’esprit de la robe noire en mousseline et dentelle que portait Gabrielle Chanel dans sa suite au Ritz en 1937 posant pour le Harper’s Bazaar. Cette époque d’entre deux-guerre, si difficile, n’est finalement pas si éloignée de la nôtre…

Sur les 44 passages que comptait le défilé, 14 étaient accessoirisés avec des joyaux de la collection 1932. Cette suite de 81 joyaux est un hommage à la première collection de haute joaillerie baptisée « Bijoux de Diamants » créée en 1932 par la couturière avec l’aide artistique de Paul Iribe, qui partageait alors sa vie. Une collection révolutionnaires à l’époque. Virginie Viard a choisi d’utiliser certains colliers comme autant « d’éléments célestes qui se marient avec les plissés ».

La directrice artistique écrit une suite douce de l’histoire de Chanel, sans parti-pris tonitruant. Chacun des looks pouvaient être une évocation d’un certain passé, tout en répondant aux besoins d’aujourd’hui. À la révolution, Virginie Viard préfère l’évolution et les clientes la suivent. Selon Fashion Network, les revenus de Chanel auraient augmenté de près de 50 % en 2021 pour atteindre 15,6 milliards de dollars.

Pour clore le défilé, l’habituelle robe de mariée était portée par le mannequin Jill Kortleve, aka Jilla Tequila. Âgée de 25 ans, ce top modèle néerlandais bouscule les codes avec son mètre 75 et sa taille 40, inhabituelle dans les défilés, même si, depuis quelques années, les maisons s’efforcent de présenter une cabine plus inclusive. Chanel avait d’ailleurs amorcé le mouvement lors du défilé Croisière de 2011 qui s’était déroulé à Saint-Tropez, en faisant défiler la magnifique Crystal Renn affichant fièrement sa taille 44. Un très joli message…