« Ce sont des bijoux, nos rouges »
Le Rouge Dior est le premier produit de maquillage créé par Christian Dior en 1953. Pour fêter les 70 ans de ce produit iconique, Peter Philips, Directeur de la Création et de l’Image du Maquillage Dior, l’a revisité, créant pas moins de 70 teintes. Interview: Isabelle Cerboneschi
Un rouge à lèvres, est un joli paradoxe: il s’agit d’un tout petit objet qui a de grands effets. Il dépose un accent de couleur sur un visage, déviant le regard de son interlocuteur vers la bouche, la puissance de la parole ou d’un baiser. Le Rouge Dior est le premier produit de maquillage créé par Christian Dior en 1953. Pour fêter les 70 ans de ce produit iconique, Peter Philips, Directeur de la Création et de l’Image du Maquillage Dior, l’a revisité, créant pas moins de 70 teintes.
Cela fait dix ans que Peter Philips crée les lignes de maquillage de Dior et qu’il offre aux femmes des alternatives de beauté. Ce diplômé de l’Académie des beaux-arts d’Anvers a le don d’introduire dans les palettes de maquillage des couleurs appartenant à d’autres mondes: l’univers floral, la décoration d’intérieur, les tissus des collections de haute couture de Monsieur Dior. Il est un coloriste hors pair et ses palettes sont des bijoux.
La nouvelle formule clean du Rouge Dior est infusée d’un extrait floral unique composé de de pivoine rouge et d’une association d’ingrédients floraux pour un confort optimal. Ses promesses? Assurer l’hydratation, le confort des lèvres, améliorer leur beauté après chaque utilisation, tout en tenant sur la durée.
Les teintes ont été choisies afin de répondre aux envies et aux besoins des femmes de toutes les régions du monde, toutes les cultures, toutes les carnations. Comment fait-on évoluer un objet de beauté iconique? Entretien.
INTERVIEW
Comment réinvente-t-on un rouge à lèvre iconique?
Peter Philips : C’est un processus continu. Pour créer le nouveau rouge Dior on a dû revoir notre perception des couleurs et la manière dont les femmes se maquillent. Ce n’était pas seulement un voyage des les archives, même si elles sont une source d’inspiration clé: nous nous sommes inspirés de la femme, comment elle perçoit sa beauté et comment elle souhaite l’exprimer.
Vous avez réalisé 70 teintes pour ce nouveau Rouge Dior avec des tons et des sous-tons, comme le ferait un peintre. Comment êtes-vous parvenu à ce résultat?
Après l’épidémie de Covid, nous avons observé un changement dans l’univers du maquillage. Les femmes ont dû porter des masques pendant un temps certain, sans pouvoir porter de rouge à lèvres et elles ont découvert une nouvelle approche de la beauté: le maquillage qui fait aussi office de soin. Concernant les teintes, je voulais comprendre comment les femmes perçoivent la couleur « nude ». Quand on parle du rude on pense souvent à un joli beige. Or quand je maquille, et je maquille des femmes de tous les âges, de toutes les carnations, de toutes les cultures, je sais qu’un beige n’est pas un nude pour tout le monde. Lorsque nos équipes marketing lancent un nouveau de fond de teint, on étudie en profondeur les besoins des femmes selon la région où elles vivent, le climat, leur culture. On s’interroge afin de savoir si elles veulent un maquillage qui mettent en valeur leur teint ou qui soit comme un camouflage et qui corrige leur couleur de peau. Or pour le rouge, on n’a jamais réalisé ce genre d’étude!
Quelle genre d’études avez-vous menées pour réaliser cette collection?
J’ai demandé à ce que l’on fasse des recherches afin de comprendre les attentes des femmes qui vivent aux Etats-Unis, en Asie, en Amérique du Sud, en Europe, au Moyen-Orient,… Qu’attendent-elles d’un rouge à lèvres? Nous avons fait appel à 400 femmes vivant de par le monde, nous leur avons demandé quels étaient leurs deux rouges favoris et leurs attentes. Nous avons beaucoup appris sur la manière dont les femmes perçoivent la couleur nude. Cela m’a conforté dans ma vision que ce n’est pas du beige. Cela peut être un rouge calme, un bois de rose, un corail,… Les résultats ont permis de mettre en perspective notre gamme de 70 teintes. Elle ne comprend pas de shocking pink ou de couleurs violentes. Ce sont des teintes tout en douceur, qui ne sont pas intimidantes. Nous avons comblé toutes les envies des femmes vivant partout dans le monde.
Ce produit emblématique, nous l’avons tous vu dans les salles de bain de nos mères ou nos grands-mères. Et vous, avez-vous un souvenir particulier lié au Rouge Dior?
Oui, comme tout le monde. Ce qui me reste, c’est l’odeur. Un parfum de rose. Le dimanche, ou pendant les occasions spécifiques, Ma grand-mère se maquillait et mettait un rose perlé sur les lèvres un peu années 60 avec du bleu gris sur les yeux et du mascara. Ça lui donnait une certaine allure. Son rouge à lèvres était en métal. Je me souviens du bruit aussi: ce clic particulier. J’adorais regarder ma mère et ma grand-mère se maquiller.
Qu’apporte le nouveau Rouge Dior au monde de la beauté?
Il apporte le meilleur de ce que l’on puisse attendre d’un rouge. Il y a le packaging, avec son concept de recharge, sa formule clean, une gamme de teintes qui est invitante. C’est un rouge à lèvres qui garde ses promesses. Une femme va redécouvrir la force d’un rouge, le plaisir d’application, le confort et l’effet. Il met en valeur la personnalité et la beauté individuelle. C’est un petit objet très accessible, un outil de pouvoir.
D’où est venue l’idée d’utiliser la science florale pour créer la formule de ce nouvel opus?
« Dans nos produits, nous utilisons l’esthétique de la fleur et son âme. »
Christian Dior était passionné par les fleurs et l’on revisite à chaque fois cette source d’inspiration avec les laboratoires. Au départ il s’agissait d’une inspiration purement esthétique puis, au fil des ans, ils ont analysé les vertus des eaux florales, des huiles essentielles, et ont découvert des éléments dans certaines fleurs qui relèvent du soin. Dans nos produits, nous utilisons l’esthétique de la fleur et son âme.
Quelle fut la plus grande difficulté pour concevoir une formule qui soit à la fois clean, de haute couvrance, de longue tenue, hydratante, tout en étant confortable, soit une sorte de graal esthétique?
Je ne connais pas les formules parce que je ne suis pas chimiste. Ce sont dans les laboratoires que s’effectue cette magie. Quand je crée des teintes, je demande une certaine couleur avec un certain fini, une transparence, une couvrance, un satiné. Je sais qu’il s’agit d’un processus complexe, que cela va demander beaucoup d’essais et je les teste tous. Parfois la couleur est bien mais pas la tenue, parfois la tenue est super mais la teinte est trop transparente, ou il y a trop de soin. Il s’écoule beaucoup d’étapes avant que l’on trouve la bonne formule. Et chaque fois on doit l’adapter aux différentes couleurs. Ce n’est pas parce que je travaille ici depuis dix ans mais je reconnais qu’un rouge Dior ne vous laisse pas tomber. Ce sont des bijoux, nos rouges.
Pourquoi avoir créé le raisin mat du Rouge Dior Velvet avec un motif qui ressemble à une résille ?
C’est pour montrer visuellement le résultat du maquillage. Nous avons essayé de recréer un effet qui soit comme un tissu. Lorsque la formule Velvet sort du laboratoire, visuellement on ne voit pas en quoi elle est différente d’une formule satinée. Ce n’est qu’en l’appliquant sur la peau qu’on voit la différence. Nous avons choisi cet effet pour une raison pratique.
Le rouge Dior 720 Icone, que vous avez créé depuis des années, arbore une couleur de bois de rose. Cette teinte est-elle inspirée d’une robe de Christian Dior?
Avant de lancer le 720, qui est un classique et une teinte magnifique qui va à beaucoup de femmes, j’ai fait des recherches dans les archives. Nous avons analysé tout une collection de vêtements rouges, roses et corail, avec les responsables des archives. En ouvrant des boîtes, c’était fascinant de voir comment la couleur d’un tissu peut évoluer avec le temps. Prenons un plissé: la teinte peut avoir un peu passé mais quand on entre dans le pli, on découvre sa couleur d’origine. C’est la même chose avec l’intérieur d’une robe qui n’a pas été exposée à la lumière. On peut voir toutes les nuances d’une même couleur de tissu: des rouges opaques, un peu lavés alors que le tissu d’origine est pétillant, par exemple. Cette recherche dans les archives nous a permis de créer tout une collection dont faisait partie le 720.
La teinte rouge 999 est un emblème chez Dior. Considérez-vous que ce soit le rouge parfait?
Je ne dirais pas qu’il s’agit du rouge parfait, mais il est parfait. Nous avons créé d’autres rouges magnifiques au possible, même en édition limitée. La semaine passé j’étais sur un shooting avec les équipes Dior et la manucure avait une petite mallette avec plusieurs rouges. On a choisi un rouge magnifique, un one shot sorti il y a cinq ans et dont je ne me rappelle plus le nom. Je l’avais oublié alors que pour la manucure, c’était le rouge parfait. Mais le 999 est particulier: il vit une jolie vie depuis longtemps et il est beau dans les différents finis. Je l’ai créé en version transparente, pailletée, en glossy, en satiné, en velours, en mat et cela fonctionne quel que soit le fini et sur toutes les bouches. C’est un rouge qui parle. Il n’est pas timide. Il est fier. C’est un rouge parfait et ce n’est pas le seul.
Considérez-vous qu’un rouge à lèvres puisse changer l’humeur d’une femme, comme pourrait le faire un vêtement derrière lequel elle invente le personnage qu’elle désire incarner?
« A partir du moment où l’on applique un rouge à lèvres, cela change l’avis que l’on peut avoir sur soi-même et son attitude. Je crois que c’est une forme de prise de pouvoir. »
J’en suis convaincu. Lors des défilés, quand je maquille un jeune mannequin qui n’a pas l’habitude de porter un rouge à lèvres et que je lui fais une jolie bouche rouge, en 720, en brique ou en shocking pink, d’un coup son attitude change. Ainsi que sa manière de parler, de boire, de manger. Elle se voit dans le miroir et elle découvre une autre dimension de sa féminité. A partir du moment où l’on applique un rouge à lèvres, cela change l’avis que l’on peut avoir sur soi-même et son attitude. Je crois que c’est une forme de prise de pouvoir.