Julien Fournié, dans les secrets d’un essayage de haute couture

Faute de défilés, la Fédération de la haute couture et de la mode a demandé à ses membres de créer une vidéo qui montre leur savoir faire, en toute liberté. Le grand couturier Julien Fournié a choisi de révéler ce qui se passe dans les coulisses des essayages avec une cliente. Un film qui montre la réalité de son métier de manière onirique et magnifiée. Isabelle Cerboneschi

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Dans la vidéo Premier Manifesto, de Julien Fournié, il y a unité de temps et d’espace. Tout se passe dans son atelier avec des personnages choisis : sa cliente, son mannequin cabine Michaela Tomanova, Madame Jacqueline, sa première d’atelier, la seconde d’atelier, l’ouvrière, l’assistant de production, le plumassier Julien Vermeulen, et le couturier. Et tous tournent autour d’une cliente afin de réaliser ses rêves. « Nous avons décidé de faire une collection de 30 modèles mais nous ne montrons que 7 modèles finalisés. Ce film est un mode d’emploi pour les clients. Il montre comment on appréhende la haute couture chez Julien Fournié », explique le couturier, à l’autre bout du fil. 

La haute couture n’est pas un label comme un autre. L’appellation « Haute Couture » est juridiquement protégée et répond à des règles édictées dans un décret paru le 23 janvier 1945. Seules peuvent s’en prévaloir les maisons, les entreprises agréées chaque année par une commission animée par la Chambre Syndicale de la Couture et qui se tient sous l’égide du Ministère de l’Industrie. Quinze maisons peuvent se targuer de posséder ce label, dont Julien Fournié. 

Dans une maison comme Julien Fournié, la haute couture est un ballet, une histoire qui se tisse entre le couturier et sa cliente. Tout commence par une esquisse, un désir, la prise des mesures, pour les nouvelles clientes, puis le premier essayage du modèle réalisé dans une toile blanche. Le couturier vérifie, effectue les retouches afin que le vêtement soit taillé comme une deuxième peau, tout en laissant l’espace pour les mouvements de la vie. Ensuite il y a le choix du tissu. Chez Julien Fournié, pas de stock superfétatoire, pas de matériaux brûlés ou détruits : les commandes sont passées au mètre près et tout est utilisé. La planète le vaut bien. Une fois le modèle réalisé, on passe au second essayage, les retouches éventuelles et la robe est à soi. « Nous créons avant tout pour les clientes. » 

Le film commence par une voix off, celle de Jean-Paul Cauvin, qui pose une intention: « Tout ce que nous pouvons décider, c’est la manière dont nous pouvons agir dans le temps qui nous est donné » « C’est pour montrer que l’on doit prendre son temps avec la haute couture : ce sont des valeurs ancrées dans le temps. On ne peut plus faire croire aux gens, comme le font certaines plateformes industrielles, que l’on peut faire du luxe de haute vol de manière très rapide. » 

Le film tourne autour de quelques mots: liberté, disruption. On sent l’équipe soudée derrière le film, avec les regard inquiets de madame Jacqueline à chaque essayage. Elle jauge. Elle est capable de prendre vos mesures rien qu’avec ses yeux. « Seul on ne fait rien, explique Julien Fournié.  S’il n’y a pas une équipe autour d’une femme, qui marche au rythme du créateur et de la cliente, cela ne fonctionne pas. Avec cette obsession: amener la cliente vers une magnificence. » 

« Il n’y a pas plus éco-responsable qu’une démarche de haute couture, souligne Julien Fournié, car nous ne produisons que ce qui est commandé. Et tout étant fabriqué à Paris, il n’y a pas de taxe carbone. »

Ses clientes fidèles ont adoré l’idée qu’il n’y ait pas de défilé « Elles sont ravies car des robes : elles seront ainsi les premières à découvrir la totalité des modèles de la collection. La haute couture, c‘est exclusif. Or le fatras des influenceuses qui se font payer a entaché l’image du luxe à la française. »

Est-ce que la vidéo est l’avenir du défilé ? « Pour l’instant c’est un nouveau médium intéressant. Il permet d’aller plus loin, de montrer la matière et les secrets de fabrication alors que sur le podium c’est une émotion partagée qui naît du mouvement. Et l’émotion d’un auditoire fait partie du spectacle et cela va être compliqué de ne pas continuer des défilés. En revanche, nous allons continuer à faire des présentations privées, car un film ne remplacera jamais un tombé de tissu. »