Sonia Zoran en son Magasin de mots
Dans sa boutique de Chardonne, dans le canton de Vaud, Sonia Zoran vend des mots. Des mots doux, acides, relevés, relevants, des mots qu’elle met ensemble pour en faire des haïkus. Et ses petits poèmes sont la chose la plus délicate qu’il me sera donné de m’offrir et d’offrir à Noël cette année. Photos : ©Thomas Wüthrich. Texte : Isabelle Cerboneschi
La devanture en camaïeu du Magasin de Mots, est facilement reconnaissable en plein au cœur du village vigneron de Chardonne. Cette boutique peu ordinaire a ouvert ses portes en juin dernier. Sonia Zoran partage ce bel espace d’échanges et de création avec l’enseignante et écrivain Sonia Baechler. Ensemble, quand le Covid le permet, elles animent des ateliers d’écriture, pour adultes, pour enfants, accueillent des écrivains, organisent des balades autour de ces mots et de ce pays qu’elles aiment tant. Et quand on pousse la porte des lieux, on sait que l’on ouvre aussi celles de son propre imaginaire.
Sonia Zoran. Cette journaliste, écrivain, qui a fait des études sciences politiques à l’Université de Lausanne, a gagné le prix Dumur en 2015, excusez du peu. Elle l’a remporté pour sa série de reportages « Éclats de Méditerranée », diffusés sur la RTS La Première. Avec son humanité, sa sensibilité, elle a essayé de donner aux auditeurs des clefs pour comprendre le phénomène des flux migratoires et les drames humains qui en découlent. Tout en évoquant le rôle de la Méditerranée, dans tout cela. Du puissant. Sonia Zoran a toujours écrit sur des sujets « lourds », par opposition à « légers ». Alors qu’elle était jeune journaliste, elle couvrait le conflit en ex-Yougoslavie pour le Nouveau Quotidien. Elle était partie là-bas, en pleine guerre, parce qu’elle y avait des racines: celles de son père.
Elle a travaillé pour à peu près tous les organes de presse de Suisse. Sonia, c’est une journaliste de terrain, une reporter de guerre. Même sa voix est grave. La question qui s’est posée à elle en 2019 fut à peu près celle-ci : lorsque l’on porte un tel bagage, comment être légitime si l’on se risque dans une écriture poétique ? « On m’avait collé l’étiquette de femme intelligente, pas de poète. »
Pourtant son coeur aspire depuis toujours à la poésie. « Ce goût s’est développé au fil des ans. Je lisais de la poésie, j’en écrivais, et je la recherchais chez les autres. C’est une respiration essentielle. » Elle a parfois saisi de belles fulgurances dans le pire des chaos, mais n’a jamais osé l’écrire. « J’ai trouvé qu’à certains moments, Sarajevo était terriblement poétique, mais je ne savais pas comment le dire. C’est en lisant l’écrivain Erri de Luca que je me suis dit que c‘était possible. Mais pas pour moi. Pas dans un journal. A l’époque je croyais qu’il fallait être sérieuse et que la poésie ne l’était pas. » Il lui a fallu encore un peu de temps pour comprendre qu’à l’intérieur de soi, tout est possible.
Créer un magasin de mots, c’était un premier pas vers cette fausse légèreté, vers la poésie. Et pendant le confinement, parce que les mots ne se laissent pas confiner, elle a eu l’idée de créer des haïkus : des petits poèmes en prose, qui capturent un moment, comme un instantané. « Ce sont des petites étincelles, des haïkus locaux, inspirés par ce que je vois. » Pour l’instant elle en a rédigé vingt-quatre. Elle a trouvé un imprimeur à Territet qui a imprimé ses poèmes sur une jolie carte bristol, qu’elle glisse dans une enveloppe en camaïeu de beige swissmade, elle aussi. Des haïkus, qu’elle vend à la pièce, par trois ou par cinq. D’une délicatesse folle.
Les flocons tourbillonnent
Et si je dansais
Seule ?
Et si vous offriez des haïkus pour Noël ?
Le Magasin de mots, Rue du Village 12, 1803 Chardonne.
Prix des haïkus: 4,50 chf la pièce, 13.- les 3, 20.- les 5. Frais de port: 2.- chf
Pour commander:
E-mail: sonia.zw@bluewin.ch
Tél: +41 79 277 59 18