Armures précieuses, signées Statement

Statement est une nouvelle marque de joaillerie qui mêle l’argent et les diamants, comme cela se faisait au XIXe siècle. Sauf que les bijoux créés par Amélie Huynh, inspirés par le décopunk tout en étant imprégnés de l’esthétique japonaise du wabi sabi, sont furieusement d’aujourd’hui. Rencontre. Isabelle Cerboneschi, Paris.

Les objets sur lesquels le temps a fait son œuvre, qui se sont perfectionnés par la patine, par les cicatrices dues à l’usage, portent en eux une beauté particulière. Une forme de perfection née de l’imperfection. Les Japonais ont un nom pour cette esthétique : le wabi sabi. C’est à cela que je pense, en découvrant les bijoux Statement.

Non pas qu’ils soient imparfaits, loin de là. Ils ont été travaillés dans les règles de l’art, au sein d’un atelier situé au cœur de Bangkok, qui travaille pour des maisons de haute joaillerie (dont les noms ne peuvent être cités). Ils ont été dessinés par une femme, Amélie Huynh, qui a commencé à travailler dans le domaine à 22 ans, or elle en a 40. Elle a passé huit ans chez Chaumet, Place Vendôme, avant de lancer son agence de création de bijoux où elle créait sur commande pour des grandes marques, de manière anonyme. Mais un jour elle a décidé que la lumière lui siérait mieux que l’ombre. Elle a créé sa marque, Statement, et les parures qu’elle rêvait de porter. Des bijoux-armure, plutôt. « Je mature cette marque depuis longtemps. Il y a deux ans, je me suis dit que j’allais bientôt avoir 40 ans et je me suis dit: lance toi, c’est maintenant ou jamais. Et je me suis lancée. »

Les bijoux Statement sont vivants. Il gardent des traces de vie. Et cela, ils le doivent à la matière qu’Amélie Huynh a choisi : l’argent brut rhodié, qu’il soit serti, ou non. « Quand je portais de l’or blanc, il jaunissait très rapidement, alors j’ai commencé à porter des bijoux en argent. » Avec les « accidents » que cette matière implique (l’argent est plus mou que l’or, il se marque et noircit). « L’accident ? Il est complètement accepté, désiré, aimé, dit-elle. Je voulais cette tension entre les diamants, qui sont tous de qualités G-VS (blanc extra avec de très petites inclusions difficilement visibles à la loupe, ndlr) et l’argent qui va s’assombrir, se patiner selon les peaux. C’est cela qui est beau. J’aime que les bijoux gardent la trace du temps qui passe. L’argent c’est aussi le métal associé à la lune, à la femme, l’attribut de Minerve, dééesse de la guerre et des arts. D’ailleurs, la tête de Minerve est le poinçon de l’argent. »

« L’argent est plus tendre, poursuit-elle, mais je voulais une qualité joaillière, et donc faire appel à un atelier qui travaille l’argent. Je collabore depuis dix ans avec un atelier situé à Bangkok, qui est géré par des européens et qui réalise des bijoux pour beaucoup de marques de haute joaillerie, en plein centre de la ville. Comme je les connaissais, ils ont été d’accord de nous laisser travailler avec leurs employés les plus expérimentés, car pour faire du micropavage et sertir 200 diamants sur de l’argent afin de réaliser la bague My Way, il faut avoir du métier et beaucoup de patience ! »

Si l’argent était très utilisée dans la joaillerie au XVIIIe siècle pour faire ressortir la blancheur des diamants taille brillant ou au XIXe siècle sur les broches de corsage aux motifs floraux, aujourd’hui il est plutôt utilisé dans la création de bijoux d’artistes, ou ethniques. En choisissant l’argent, Amélie Huynh renoue avec une tradition, tout en préférant une esthétique à la fois Art déco et rétrofuturiste. « J’aime beaucoup l’Art déco, dit-elle, mais je le trouvais trop lisse. J’ai grandi dans les années 80, j’ai été élevée aux Sex Pistols, à The Clash, à The Cure. En faisant des recherches, j’ai découvert qu’il existait un courant de l’Art déco qui s’appelle le Déco Punk. C’était le début de ces images de robots très chromés. Et c’est aussi tout l’univers de Daft Punk et de Tron. Et ce côté dark, je l’adore. »
« Je m’inspire aussi du courant architectural brutaliste de l’après-guerre, poursuit-elle. Je trouve cela tellement beau, ces marques, ces fissures dans le béton brut, qui montrent le passage du temps. La bague My Way en full silver s’inspire notamment des robots des années 30 et aussi des mangas. C’est une culture qui fait partie de mes racines : je suis à moitié asiatique. Mon père est chinois du Cambodge, nous avons de la famille à Hong Kong, en Chine, à Bangkok: » Les bijoux Statement se veulent une extension de celle qui les porte, le reflet de sa part guerrière. « Dans chaque collection, il y a le mot Way à l’intérieur. Pour amplifier le fait que chaque femme poursuit son propre chemin, sa propre voie. »