Unis Vers, quand la photographie allie le beau et le bien
La photographe Michèle Bloch-Stuckens expose des portraits d’artistes qui ont accepté de se dévoiler dans leur pudeur et leurs passions à la galerie Diorama à Genève. Un livre accompagne l’exposition Unis Vers dont le bénéfice sera entièrement reversé au Secours populaire. Un projet magnifique et généreux qui aura mis cinq ans à voir le jour. Isabelle Cerboneschi
Il ne faut pas passer à côté de l’exposition Unis Vers qui se tient jusqu’au 31 décembre à la galerie Diorama à Genève. Déjà parce que les images de la photographe Michèle Bloch-Stuckens, qui dévoilent des artistes, des chanteurs, acteurs, danseurs, musiciens au plus près de de leur être, sont absolument magnifiques. Mais aussi parce que le bénéfice des ventes du livre qui accompagne l’exposition est entièrement reversé au Secours populaire, une association née de la Résistance, qui s’engage quotidiennement pour un monde plus solidaire.
Le projet aurait dû être bouclé en un an, or il aura fallu cinq ans à la photographe belge basée entre Paris et Genève, pour terminer l’aventure d’Unis Vers. Une œuvre humaine, tendre, drôle, bienveillante autour de laquelle Michèle Bloch-Stuckens a réussi à fédérer une quarantaine d’artistes.
Le vernissage de l’exposition, qui a réuni 200 personnes, a eu lieu à Paris le 2 décembre. Une seconde exposition se tient jusqu’au 31 décembre à Genève à la galerie Diorama.
Natasha St-Pier ©Michèle Bloch-Stuckens
INTERVIEW
Comment est né ce projet?
Michèle Bloch-Stuckens: Il est né lors du premier confinement, lors de la crise du Covid. Diverses associations caritatives évoquaient le fait qu’elles ne recevaient plus les subventions auxquelles elles avaient droit habituellement et de ce fait énormément de gens étaient laissés sans aide. D’autre part, sur les réseaux sociaux, je voyais tous les artistes chez eux, dans l’incapacité de se produire car les salles de spectacles étaient fermées. Je me suis dit qu’il devait y avoir moyen d’attirer la lumière des uns sur les autres, les plus démunis.
Aure Atika ©Michèle Bloch-Stuckens
Pourquoi vous a-t-il fallu cinq ans pour mener à bien cette aventure?
Au départ, j’ai cru que ce serait quelque chose d’assez rapide à mettre en place et que les célébrités seraient ravies de s’engager. Sauf qu’il y a eu un premier déconfinement et que rien ne s’est déroulé comme prévu. J’étais une photographe de mode que les célébrités ne connaissaient pas, je n’avais rien à leur montrer, or j’ai dû faire en sorte de les intéresser sans avoir les moyens de les contacter autrement qu’à travers leur agent, les réseaux sociaux, ou grâce à quelques amis. L’un d’eux m’a mis en lien avec Yann Arthus-Bertrand, vous m’avez mis en contact avec Matthieu Chedid et Aure Atika, et cela m’a mis le pied à l’étrier.
Avez-vous été surprise de la réaction des personnalités?
Oui. Par exemple, Sophie Marceau m’a dit oui tout de suite, sauf qu’il a fallu attendre la fin du tournage de son film avec François Ozon pour réussir à réaliser l’image.
Sophie Marceau ©Michèle Bloch-Stuckens
Pourquoi avoir choisi de reverser le bénéfice de votre livre au Secours populaire?
Outre les liens évidents et de longue date qu’entretient cette association avec des artistes qui l’ont toujours beaucoup soutenue, elle est d’une grande intégrité, contrairement à d’autres. Son postulat de base est d’aider les démunis, que ce soient des jeunes ou des personnes âgées. Elle les aide pour le logement, pour la nourriture, elle est sur tous les fronts et je trouvais que sa profession de foi correspondait à ma cause initiale. Afin d’agir concrètement, j’ai décidé de faire de l’auto-édition. Cela me permet de reverser un vrai montant à l’association: le bénéfice qui lui revient correspond à environ un tiers du prix d’achat, soit presque 20 euros par ouvrage vendu 59 euros.
Comment se sont passées les prises de vue?
C’était à chaque fois un moment assez particulier parce que les artistes arrivaient avec leur image de personnage public. Je leur demandais ensuite de me parler de ce qui leur apportait de la joie, de ce qui les faisait vibrer et nous passions alors dans une tout autre dimension, plus intime. Par exemple, José Garcia m’avait dit qu’il était passionné d’’aviation. Cela m’a donné un point de départ sur lequel réfléchir et lui proposer un lieu, en l’occurrence l’aérodrome Astonfly.
José Garcia ©Michèle Bloch-Stuckens
L’image de la violoniste Camille Thomas est irréelle. Où l’avez-vous photographiée?
J’ai eu une chance extraordinaire car elle avait organisé des concerts dans des lieux qui n’étaient plus utilisés pendant le Covid, que ce soient des musées ou, dans le cas de la photo, la Sainte-Chapelle. Je me suis retrouvée dans cet endroit extraordinaire qui était complètement vide. Nous étions quatre à l’intérieur. J’avais choisi de la photographier avec un énorme voile qui volait afin qu’elle soit éblouissante comme Beyoncé. J’ai vécu un moment sacré.
Camille Thomas ©Michèle Bloch-Stuckens
Est-ce que certaines images furent plus compliquées à mettre en place que d’autres?
L’actrice Philippine Leroy-Beaulieu m’avait lancé un défi: elle m’a dit qu’elle aimait danser dans le sable sur des rythmes brésiliens. J’ai dû trouver ce qui pouvait se rapprocher le plus d’une plage à Paris. Nous avons fait la photo dans la forêt de Fontainebleau qui abrite une parcelle de sable. On a papoté pendant deux heures pour y aller et pour en revenir. J’ai posé mon flash en plein milieu du sable où il y avait deux familles aux alentours qui préparaient un barbecue. Philippine portait une tenue extrêmement sexy, elle avait apporté sa musique et s’est mise à danser comme si je n’étais pas là. C’était assez cocasse sauf qu’elle bougeait tout le temps et avait les cheveux devant le visage. J’ai eu un mal fou à la saisir parce qu’elle était complètement prise dans sa danse. C’était très vivant, très joyeux, mais pas simple à faire.
Philippine Leroy-Beaulieu ©Michèle Bloch-Stuckens
Quelle image vous a le plus amusée?
Celle avec Philippe Lacheau. Il m’avait dit qu’il aimait son métier et le cinéma des années 80. J’ai dû turbiner pour savoir ce que je pourrais faire qui se rapproche de cette idée. Nous étions en pleine période de canicule. Pour rendre le moment plus plaisant, pourquoi ne pas reproduire à notre façon la scène mythique de Pretty Woman où l’on voit Julia Roberts dans une baignoire. J’avais accès à un magnifique hôtel dans lequel il y avait une belle baignoire. L’acteur a adoré l’idée. Au lieu du Walkman j’ai ressorti mon vieil iPod pour malgré tout donner un côté vintage. Il a commencé à faire le fou dans le bain d’eau froide. On a beaucoup ri. En faisant photo d’Élodie Frégé aussi: elle était tellement drôle dans son exubérance et son côté burlesque avec une cravache. Nous avons fait l’image dans un ancien lupanar des années folles qui s’appelle Aux Belles Poules.
Philippe Lacheau ©Michèle Bloch-Stuckens
Est-ce que certains artistes vous ont conviée chez eux?
Matthieu Chedid m’a invitée à faire l’image dans son studio, dans sa maison. Il m’avait donné comme thème son album qui était sur le point de sortir: « Rêvalité ». J’ai décidé de montrer le moment où Matthieu devient M, où il passe du réel à l’onirique, avec sa tenue de scène en LED qui m’a sertie de seule lumière pour l’image principale mais aussi pour celle qui ouvre le livre, avec un LED aussi, comme quand on est happé par une histoire et qu’on entre dans le faisceau lumineux de l’imaginaire.
Matthieu Chedid ©Michèle Bloch-Stuckens
Quels furent les moments les plus émouvants?
Il y en a eu beaucoup. Laëtitia Eïdo par exemple m’a dit : « j’aime regarder pousser les choses ». J’ai eu l’idée de placer une petite pousse devant son visage et réaliser un portrait que j’aime énormément. Et il y a aussi ce moment où Audrey Dana s’est mise à jouer du tambour chamanique devant un vieil arbre au tronc creux sur lequel poussaient encore des feuilles. Je me suis laissée emporter par cette mélopée sauvage. C’était un moment hors du temps. Chaque artiste m’a offert quelque chose de très intime, de très personnel, qui leur ressemble profondément et je leur en suis très reconnaissante.
Audrey Dana ©Michèle Bloch Stuckens
Unis Vers, Michèle Bloch-Stuckens Espace Diorama, Rue du Diorama 16, jusqu’au 31 décembre.
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