Les archétypes masculins selon Virgil Abloh

La sixième collection masculine créée par Virgil Abloh pour Louis Vuitton, baptisée « Ebonics », porte en elle à la fois la poésie et la conscience d’une identité afro-américaine. Le créateur est décédé le 28 novembre 2021 après deux ans de lutte contre une forme rare de cancer. Hommage. Texte: Isabelle Cerboneschi. Make-up : Dior backstage. Model: William Ernult @elitemodelworld. Photo & Style: Buonomo & Cometti.

Préambule:

Nous venons d’apprendre le décès de Virgil Abloh, advenu dimanche 28 novembre, après une lutte de deux ans contre une forme rare de cancer. Que cet article, posté la veille de son envol, soit un hommage pré-posthume. 

Quand on regarde la collection Louis Vuitton automne-hiver 2021, il faut se souvenir qu’elle a été présentée le 21 janvier 2021, soit un jour après l’investiture de Joseph R. Biden à la présidence des États-Unis d’Amérique. Et huit mois après la mort de George Floyd, cet homme afro-américain dont le meurtre par un policier à Minneapolis avait été filmé et a fait le tour de la planète, choquant le monde entier.

Il faut se souvenir de cela, car la sixième collection créée par Virgil Abloh, qui dessine l’homme pour Louis Vuitton depuis mars 2018, est baptisée « Ebonics ». Elle porte en elle à la fois la poésie et la conscience d’une identité afro-américaine. Mais pas seulement.

Le créateur de 41 ans d’origine ghanéenne avait d’autres choses  à dire. Cette collection évoque certaines crises que l’humanité a pris en pleine face depuis 2020. La question des déplacements notamment, qui ne se pose plus en période de confinement, et qui est évoquée avec de la maroquinerie en forme d’avion ou de sacs de pommes de terre. Il est aussi question de l’appropriation par les marques de la culture et de l’artisanat de certains pays, de manière subtile.

Si Virgil Abloh s’est interrogé sur la pertinence de créer de nouveaux vêtements pour la saison d’hiver, en tant que directeur artistique d’une maison comme Louis Vuitton, il ne pouvait se permettre de l’exprimer frontalement. Il a préféré se confier au site britannique Dazed un mois avant le défilé, au sujet de la fin du streetwear: « Je dirais définitivement qu’il va mourir. Son temps est écoulé. Dans mon esprit, combien de t-shirts, de sweats à capuche et de baskets peut-on encore avoir ?» Le créateur y parle de la vertu des vêtements vintage, encourageant aussi à faire du shopping dans son placard: « la mode va s’éloigner de l’achat de nouveaux vêtements pour devenir plutôt une recherche dans nos armoires. »

Cela ne l’a pas empêché de dessiner sa plus belle collection depuis son arrivée chez Louis Vuitton. La plus autobiographique aussi. Elle est peuplée de silhouettes poussées à l’extrême, de sublimes manteaux longs, des tailleurs cintrés avec un twist, d’élégants drapés africains, des chapeaux de feutre XXL. Virgil Abloh a confié le stylisme de son défilé au directeur artistique Ibrahim Kamara originaire de Sierra Leone, et il a bien fait. Le résultat est un spectacle, un beau spectacle où l’homme cherche – et trouve ? – sa place.

Model: William Ernult @elitemodelworld instagram william_.e

Cet article a été modifié le 28 novembre 2021.