Révolution dans les placards

Netflix vient d’annoncer le 11 novembre dernier qu’il y aurait bien une deuxième saison de la série à succès Emily in Paris. Et puisque le séjour de l’héroïne se prolonge dans la capitale française, pourquoi ne pas revoir sa garde-robe, peu adaptée à la vie parisienne. La fameuse styliste Patricia Field, l’a sûrement fait exprès, mais rien n’empêche d’imaginer des alternatives. Isabelle Cerboneschi

Résumé de l’histoire : Emily in Paris est une œuvre de fiction, signée Darren Star, le père de Sex and the City, qui suit le fil d’une narration somme toute assez classique. L’héroïne, jouée par Lily Collins, la fille du chanteur et musicien Phil Collins, est l’archétype de la jeune Américaine bosseuse qui coche toutes les cases. Elle travaille dans une grande agence de pub de Chicago, elle a un amoureux, un excellent salaire (à en croire sa garde-robe pléthorique) un job et une boss sympa, et elle excelle à booster la notoriété de ses clients sur les réseaux sociaux. Par un concours de circonstances, elle est parachutée dans la capitale française pour pour devenir la social media manager d’une filiale spécialisée dans le luxe. Une Américaine à Paris, version XXIe siècle.

Son odyssée est faite de ratages et de rattrapages professionnels épiques, d’espoirs et de déceptions amoureuses pathétiques, et de quelques problèmes de plomberie. Le tout dans un Paris de carte postale qui se limite à 5 arrondissements, où il n’y a ni gilet jaune, ni SDF, ni grève de la RATP. Quant à la chambre de bonne qu’elle occupe, elle fait 40m2 (au lieu des habituels 16m2). Du coup Emily a pu y caser ses innombrables vêtements de marque. Elle est overdressed du matin au soir et se rend au bureau juchée sur des talons de 12cm avec, en bandoulière, un sac Chanel différent chaque jour (il n’y a pas de vol à la tire, dans le Paris d’Emily). Même sa coiffure impeccable est un cliché dans une ville où la Parisienne affiche toujours un air négligé très travaillé.

Le look d’Emily fait couler pas mal d’encre depuis le lancement du premier épisode. On trouve plus d’une dizaine de pages de fans sur Instagram qui décryptent la moindre de ses tenues, comme Fashion of Emily in Paris, Emily in Paris outfit, Emily in Paris closet, etc. Emily, en parfaite anti-icône de mode, est scannée de la tête aux pieds. Mais il n’y a pas que les réseaux sociaux qui l’épient dès qu’elle sort de son lit : même le Vogue s’y est mis et n’en dit pas du bien. « Les goûts d’Emily laissent perplexe : ses bérets, ses chemises avec des imprimés de la Tour Eiffel, ses bottes à talons aiguilles de 12cm, (…) Mais ce qui me frappe vraiment, c’est que les tenues d’Emily sont loin de refléter la façon dont les jeunes femmes s’habillent en 2020 », relève la critique de mode Emily Farra. On ne peut pas lui donner tort.

Derrière les looks too much de l’héroïne, on retrouve la célèbre styliste Patricia Field, qui avait œuvré sur la série Sex and the City. Elle a sûrement forcé le trait exprès pour la première saison, mais cela ne nous empêche pas d’imaginer la garde-robe d’Emily un peu plus Paris-compatible dans la seconde saison, annoncée par Netflix le 11 novembre dernier. Histoire aussi de lui faciliter la vie : plus personne ne marche dans les rues avec des talons de 12cm, pas même pendant la fashion week. Le premier conseil à donner à Emily donc : acheter quelques paires de sneakers, et pas seulement pour aller faire son jogging au bord de la Seine, des ballerines et des sandales plates.

Il lui manque plein de choses à Emily, et elle a plein de choses en trop dans ses placards. Il lui faudrait par exemple quelques chemisiers de popeline blanc signés Charvet, ou le modèle Olsen de Valentine Gauthier, pionnière de la mode éthique, une pièce de la collection permanente. Si la jeune femme prenait le temps de regarder les collections printemps-été 2021 (et comme elle semble avoir un budget quasi illimité) elle pourrait craquer pour le magnifique trench-coat beige signé Prada, le manteau noir avec plein de poches fonctionnelles de Marine Serre pour faire du vélib et éviter de porter un sac de marque tous les jours, l’indispensable smoking noir de Tom Ford, quelques looks essentiels de la collection d’Hedi Slimane pour Celine dont un blouson en cuir et une paire de jeans noirs,  le pantalon multipoches de Kenzo, le sublime pyjama rose de jour comme de nuit signé Lutz Huelle, le pantalon beige taille haute de Jacquemus, le manteau The Coat de Didier & Angelo pour se rendre aux vernissages, à porter sur une paire de jeans large (au choix : APC, Levy’s vintage, Martin Grant à taille haute, ou Hiut Jeans), le blouson scintillant et son pantalon large de soirée Chanel ou une robe sculpture de Yohji Yamamoto pour les soirées à l’Opéra Garnier, à porter avec des boots de biker (Roger Vivier, Celine, Chanel), ou des sandales plates toute simples de chez Rondini à faire venir de Saint-Tropez. Enfin il lui faudrait quelques pulls de cachemire Hermès empruntés à la collection homme, un ou deux chapeaux Michel, pour alterner avec les bérets. Bref. Ce serait un début.

Et pour les cours de style en accéléré, Emily devrait définitivement prendre un verre avec Inès de la Fressange, l’archétype de la Parisienne et s’inspirer discrètement de son allure. Cette femme a le chic pour ne pas prendre la mode trop au sérieux et jouer avec les vêtements, comme ses « copines qui généralement ne roulent pas sur l’or et se débrouillent avec un pull trouvé chez Monoprix, une ceinture, un machin hérité de leur grand-mère et se font un petit look sympa. »

Pas sûr que Patricia Field adore « le petit look sympa »…