Le tour de Bonpoint en quatre mots

Anne Valérie Hash, la directrice artistique de la marque de vêtements pour enfants, a créé une collection croisière en utilisant des stocks de tissus Liberty retrouvés dans les archives. Elle raconte sa vision de la marque autour de mots choisis. Isabelle Cerboneschi, Paris

Anne Valérie Hash vient de la haute couture. Elle avait fondé sa marque éponyme sur le principe de la déconstruction-reconstruction. Sa nomination en mars dernier à la direction artistique de Bonpoint, cette marque pour enfants dont la pièce emblématique est la robe « duchesse » à smocks, pouvait surprendre. Et pourtant, il y a une logique à cela. Des vêtements pour enfants, elle en créait déjà pour sa marque Anne Valérie Hash. Elle avait même dédié toute une collection femme, le printemps-été 2007, à la thématique de l’enfance. A cette époque elle était enceinte de l’une de ses filles et avait eu envie de jouer avec des habits d’enfants, mêlant aux manches ballon et aux robes à smocks l’esprit de Marilyn Monroe.

En entrant chez Bonpoint, elle a laissé Marilyn à la porte et s’est plongée dans les archives de la marque. Elle y a trouvé un trésor : un stock de tissus Liberty, beaux restes de précédentes collections, et a utilisé ces tissus oubliés pour en faire une capsule croisière désirable et durable. Dans son bureau parisien, elle tourne autour des mots qui évoquent si bien Bonpoint.

Tendresse
« C’est une marque qui me projette dans ma propre enfance. Elle me faisait rêver. Elle représentait l’inaccessible. Ma mère n’avait pas la possibilité de m’habiller en Bonpoint au quotidien mais elle m’offrait des vêtements pour les cérémonies. Plus tard, quand j’ai eu mes deux filles, j’ai déposé mes listes de naissance chez Bonpoint. J’avais envie pour elles de quelque chose de délicat, d’intemporel. Il y a une douceur dans ces vêtements, jusque dans le détail des petites dentelles. Cette marque m’a accompagnée lorsque je suis devenue maman. Elle faisait partie du rituel. Et quand on m’a proposé de m’en occuper, cela m’a parlé immédiatement. L’eau de toilette Bonpoint, est mon premier parfum d’enfance. Il symbolise la tendresse, la préparation à la sortie du bain. Il accompagne ces moments doux. Dans les boutiques, on parfume les paquets avec le parfum. C’est tout un cérémonial. J’aimerais d’ailleurs que les vitrines du mois de janvier soient ornées de grandes bouteilles de parfum. »

Histoire
« En arrivant dans la maison, j’ai voulu me plonger dans les archives et j’ai découvert un magnifique stock de tissus Liberty accumulés depuis des années. Je venais de trouver un trésor de guerre et n’avais pas envie de passer à côté. Plutôt que de commander de nouveaux textiles, j’ai eu envie d’utiliser ceux-là. Je n’ai pas pensé à faire cela dans l’idée de m’inscrire dans une démarche d’upcycling, même si finalement c’est le cas. C’était simplement une envie instinctive. J’ai classé toutes les étoffes par couleur, par métrage, et ces tissus oubliés sont devenus une collection capsule croisière. Nous avons réalisé des patchworks d’imprimés Liberty recyclés et reliés par des rubans de dentelle. Chaque modèle est édité en série limitée. La veste en jean a été fabriquée en 122 exemplaires. Il n’existe que168 jupes longues gipsy et 145 tops. Et lorsqu’ils seront vendus, nous ne pourrons plus les refaire. C’est précieux. »

Savoir-faire
« Au rez-de-chaussée, nous avons les ateliers. Certaines personnes travaillent ici depuis plus de vingt ans. Bonpoint est l’une des dernières maisons parisiennes qui prend un soin exquis à préparer toutes les toiles. C’est très difficile de créer des vêtements pour enfants. On travaille au millimètres près. Dans les ateliers, on travaille à l’ancienne, utilisant des papiers de soie pour monter les prototypes des vêtements. Les essayages sont effectués sur les enfants dans toutes les tailles. Tout est fait dans les règles de l’art. J’ai eu la chance de rencontrer Annie, la première d’atelier qui est là depuis plus de trente ans. Elle a dans les mains tout le savoir-faire de la maison Bonpoint. Nous avons su instaurer un dialogue pour aller vers le Bonpoint de demain tout en conservant précieusement le Bonpoint d’hier. Elle a été éduquée par les fondateurs et pour elle, le temps est un ami. Elle m’a accueillie avec tendresse tout en me faisant comprendre qu’elle est la gardienne du temple. Annie m’aide à écrire une nouvelle page tout en continuant l’histoire si belle de cette marque. »

Transmission
On ne se défait pas de ses robes Bonpoint. On les transmets à ses nièces, aux enfants de ses amis ou à ses petits enfants. J’ai d’ailleurs gardé tous ceux de mes filles dans une valise, enveloppés dans du papier de soie. La transmission est l’essence même de la maison. Le monde de l’enfance est si doux que l’on ne veut pas le quitter. Bonpoint, c’est la tendresse des premiers pas maladroits, les premiers fou rires, la douceur de vivre que l’on aime garder en mémoire. En conservant les vêtements qui accompagnent ces images tendres, on a le sentiment que ces moments resteront éternellement présents. Alors on garde précieusement ces habits si bien confectionnés et précieux pour les transmettre en temps voulu à une future génération. Chez Bonpoint, on découvre une cliente à la naissance de son enfant, on la perd un temps, puis on la redécouvre lorsque son enfant devient maman. »