Chez Perfumer H, la parfumeuse Lyn Harris distille non seulement des senteurs aussi élégantes qu’inattendues mais aussi l’âme britannique. Lily Templeton, Paris

Dandelion, Rain Cloud, Marmelade, Grey, Smoke, Ink : ce que les noms évocateurs choisis par Lyn Harris perdent en superlatif de marketing, ils le gagnent en poésie. Dépourvus de prétention, même. « Perfumer H est le reflet d’une véritable intégrité dans le travail, une esquisse de qui je suis », dit la parfumeuse, formée de manière classique à Grasse, et depuis plus de deux décennies l’une des voix les plus vibrantes de la parfumerie en Grande-Bretagne.
Fruit de l’imagination de cette maîtresse des odeurs et des sens, la marque est une ode au minimalisme dans un domaine aujourd’hui saturé de bruit et de produits. Après avoir créé la cultissime marque Miller Harris, Harris voulait prendre un nouvel envol et se lancer dans un nouvelle entreprise. Cette aptitude à se détacher d’un projet passionnant et à repartir d’une page blanche s’est révélé un exercice cathartique : Perfumer H est né en toute discrétion en 2015.
La boutique, installée sur un coin calme de la très chic Crawford Street dans le quartier de Marylebone à Londres, s’est immédiatement fait remarquer pour son approche libre des senteurs. Depuis la rue, on aperçoit le laboratoire maison, repaire d’apothicaire contemporain où s’alignent les flacons contenant les essences brutes, souvent naturelles, qui entrent dans la composition des créations. En poussant la porte, ce qui frappe en premier lieu, ce sont les textures : un assemblage de bois, de velours, de laiton et de verre. L’esthétique du lieu s’est construite comme on imagine la création de ses parfums, dans un dialogue artistique et artisanal permanent. Des flacons en verre soufflés à la bouche signés Michael Ruh Studio, Frith Kerr pour cet espace aux accents mi-scandinaves, mi-années-cinquante, un mobilier chiné avec la complicité du duo de Retrouvius, et le fait qu’il s’agisse d’un nouveau projet de Lyn Harris, confère à l’endroit un statut presque culte.
Impossible de résister à ces parfums aux noms évocateurs qui dorment dans leurs flacons le long des murs. Après tout, comment vérifier si un nuage gris a vraiment cette odeur, si la bouffée boisée et musquée d’Ink retranscrit la senteur d’une imprimerie ancienne ou si la couleur rose sent vraiment ce cocktail framboise-violette que la parfumeuse a appelé Pink. Chaque saison, elle ajoute cinq fragrances dans lesquelles elle capture l’air du temps et ce je-ne-sais-quoi qui est sa signature. Pour l’automne, ce sera Gold, un miroitement précieux d’hespéridés, mais aussi Rose Oil et son étude de cette précieuse fleur, une fougère moderne avec Angelica, une promesse éthérée avec White Smoke ou encore Tobacco, un grand classique revisité ici avec bienveillance pour en faire une déclinaison moderne pour le jour et pour toujours.
Parfums après parfums, Lyn Harris distille ces grands espaces et ces petits riens qui composent les îles britanniques pour en extraire la quintessence de leurs odeurs. En ces temps troublés, cela ferait presque office de manifeste. Un univers inscrit dans la mémoire olfactive d’une enfance passée entre un potager du Yorkshire et l’atelier de son grand-père en Écosse. On l’imagine, avec ses boucles blondes, en train de courir dans la lande. Il y a quelque chose de l’ordre de la pensée magique dans Perfumer H et ses créations sont faites pour « résonner avec vos émotions ». Preuve qu’il y a quelque chose de l’alchimiste dans ce processus « presque magique par lequel les idées sont traduites en odeurs », comme elle le dit.
Un concept d’une pureté sans artifice, entre qualité artisanale et élégance, digne de celle dont la devise est de « rendre l’air visible ».
