L’Arceau le Temps Voyageur d’Hermès, une épopée poétique
La montre Arceau Temps Voyageur d’Hermès, finaliste dans plusieurs catégories du Grand Prix de l’Horlogerie de Genève, indique les heures du monde d’une manière particulière. Ce garde-temps a été conçu pour les hommes et les femmes d’affaires, les aventuriers du XXIe siècle, les voyageurs au long cours. Mais aussi pour les âmes poétiques qui préfèrent voyager autour de leur chambre en rêvant devant son cadran affichant des continents imaginaires inventés par l’artiste Jérôme Colliard. Isabelle Cerboneschi
Elle s’appelle Le Temps Voyageur et l’on ne sait pas très bien à quel voyage cette montre invite: un déplacement réel ou une épopée imaginaire? Elle indique bien les heures du mondes et s’avère d’une parfaite utilité pour tous les hommes et femmes d’affaires qui traversent les fuseaux horaires pour se retrouver à Tokyo, Dubaï, Beijing ou même à Samarcande en partant de Genève ou de Paris, pardon, en partant du 24 FBG. Car Hermès Horloger a choisi de remplacer la capitale française par l’adresse de son vaisseau amiral situé au 24 rue du Faubourg Saint-Honoré. So chic!
Mais cette montre possède une autre dimension, plus onirique qui ne se révèle pas au premier regard. Le cadran satellite affichant les heures, gravite à l’intérieur d’un disque circulaire indiquant les 24 fuseaux horaires et survole une carte du monde comme en apesanteur. Mais lorsque l’on regarde avec attention les continents qui s’affichent sur le cadran, on ne les reconnaît pas: il y a « Ethologie Equine », « Dressage », « Soins », autant de terres inconnues sorties de l’esprit de l’artiste Jérôme Colliard.
Ce monde, il l’avait inventé pour une mappemonde gigantesque qu’il avait créée pour le Saut Hermès 2016, une compétition internationale de saut d’obstacles organisée chaque année par la maison parisienne au Grand-Palais. Cette terre imaginaire, inspirée du monde équestre, avait d’ailleurs donné lieu au carré de soie « Planisphère d’un monde équestre ». On y découvrait la Mer de l’Endurance, le Grand Désert des Caresses, les îles Corlandus ou encore le Delta du Pas Espagnol.
Philippe Delhotal, le directeur création chez Hermès Horloger, souhaitait créer une montre indiquant les heures du monde, mais avec une touche de poésie. En puisant dans les archives de la maison, il a découvert le fameux carré. « Ce projet a débuté il y a trois ans. Nous voulions réaliser une heure universelle qui soit utile pour les voyageurs, pratique, lisible et qui fasse rêver. Le satellite indiquant les heures se déplace autour d’un disque représentant les 24 fuseaux horaires, tout en racontant une histoire. Il navigue comme en apesanteur sur le cadran et survole un planisphère. Mais au lieu d’y représenter notre belle planète, nous avons choisi un monde différent. Nous avons eu la chance de rencontrer Jérôme Colliard et nous avons repris certains continents de la planète imaginaire qu’il avait inventée pour le Saut Hermès en 2016.»
Jérôme Colliard est aussi discret qu’il est multitalentueux. Difficile de le circonscrire: il est à la fois graphiste, illustrateur et scénographe de formation. Il a fait ses débuts chez le fameux designer Hilton McConnico. On lui doit de nombreuses pochettes d’albums: Alain Souchon, -M-, William Sheller, Julien Clerc…, des affiches de films et un beau-livre pour Matthieu Chedid: Le Livre extraordinaire de -M- paru aux éditions Flammarion. Il était présent à Genève lors du salon Watches & Wonders. L’occasion rêvée pour une rencontre.
INTERVIEW
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer ce monde imaginaire?
Jérôme Colliard : En réalité, on me l’a demandé. Le scénographe Grégoire Diehl (le directeur concept, architecture et scénographie de Hermès International, ndlr) avait envie d’une pièce monumentale pour le Saut Hermès: une mappemonde représentant un monde imaginaire. L’idée lui est venue en songeant à la Carte de Tendre (la carte d’un pays appelé Tendre, inventé au XVIIe siècle par l’écrivain Madeleine de Scudéry, comme une allégorie de l’amour, ndlr). Il voulait retranscrire cela dans l’univers du cheval. Fin 2015, j’ai commencé par créer l’ile Travail, puis j’ai dessiné des terres inconnues.
Comment vous sont venus tous ces noms de continents?
Ils proviennent du lexique du cheval. J’y ai puisé des mots que j’ai déclinés en baies, en golfes, en montagnes, en forêts, en fonction de leur sonorité et de l’imaginaire. Le Grand Désert des caresses, par exemple, provient d’une réalité: un cheval qui n’est pas caressé n’est pas un cheval heureux. Sont apparus aussi les noms de selles Hermès, comme Corlandus par exemple. Mais nous n’avons pas gardé la Brasilia car elle se référait à une ville réelle.
Votre mappemonde m’évoque les Cités Obscures inventées par les bédéastes François Schuiten & Benoît Peeters.
Tout à fait, cela faisait d’ailleurs partie du brief de base de ce projet! On m’avait demandé de m’en inspirer, tout comme de l’univers de Tolkien. Le globe a été fabriqué dans une bâche de caoutchouc sur la base d’un dessin artificiellement vieilli et parsemé de taches, comme si on l’avait retrouvé enfoui et qu’on l’avait remis en lumière.
Si vous pouviez vivre dans ce monde imaginaire, quel lieu choisiriez-vous et pourquoi?
C’est bizarre mais je suis très attaché à la première île que j’ai faite: l’Île du Travail. Elle a une forme avec un naturel que je ne retrouve pas sur les autres continents. J’ai l’impression qu’elle pourrait être vraie. Je choisirais une pointe, un lieu un petit peu venteux mais protégé quand même. J’aime bien aussi la Route des Cavaliers qui circule un peu partout. Elle rappelle la Route de la Soie. J’ai essayé de créer des continents qui pourraient s’imbriquer, comme s’ils avaient été séparés selon la théorie de la tectonique des plaques. J’ai besoin qu’une rigueur scientifique sous-tende le rêve. Je suis assez terre à terre et créer un univers qui n’existe pas, ce fut compliqué. J’ai même hésité à dire non à ce projet tant il me submergeait; mais l’île du Travail en a décidé autrement.
Possédiez-vous une mappemonde quand vous étiez enfant?
Non, j’avais une carte géopolitique sur les murs, mais mes parents sont férus d’antiquité et j’ai donc vécu dans une sorte de cabinet de curiosité avec des choses absolument partout, et notamment de grosses mappemondes en plâtre du XVIIIe siècles posées sur de gros pieds en bois. Il en avaient aussi qui étaient portatives, avec leur écrin de cuir et sur les parois, il y avait les constellations. Ce sont des objets que j’aime et qui m’ont facilité le travail.
Que vous évoque cette montre?
Un peu de rêve dans la technologie. Une certaine magie…