Le Camélia dans l’horlogerie et la joaillerie Chanel

Le Camélia dans l’horlogerie et la joaillerie Chanel

Gabrielle Chanel aimait les camélias au point qu’il est devenu l’un de ses emblèmes. On retrouve cette fleur partout chez Chanel: dans les collections de mode, les accessoires, les produits de beauté, la joaillerie et l’horlogerie. Dans ce deuxième épisode dédié au camélia, il est question de sa place dans l’horlogerie et la joaillerie. Mannequin : Diane@elite. Maquillage: Chanel. Photo shooting & Style: Buonomo & Cometti. Texte: Isabelle Cerboneschi

Comment le camélia est-il venu à Chanel? Dans l’ouvrage Culture Chanel, on découvre une première piste. « Gabrielle Chanel vole le camélia que Marcel Proust porte à la boutonnière de son veston et l’accroche à celle de ses tailleurs en jersey. Elle assiste, émue, à la pièce d’Alexandre Dumas fils, La Dame aux Camélias, interprétée par Sarah Bernhardt en 1913 au Théâtre de la Renaissance à Paris. ». La couturière, qui est née le 19 août 1883, avait alors 30 ans.

Durant cette même année 1913, elle pose en photo sur la plage d’Etretat. Elle n’a pas encore coupé sa longue chevelure et porte un ensemble de jersey de sa confection composé d’une marinière et d’une jupe longue. Et qu’arbore-t-elle accroché à la ceinture? Un camélia. C’est la première fois que l’on voit la couturière arborant cette fleur qui deviendra plus tard l’un de ses emblèmes. Pour des raisons que l’on ignore, le camélia est passé d’un théâtre à un autre, de celui d’Alexandre Dumas à celui de la mode.

Avec ses lignes minimales, ses courbes voluptueuses et la disposition régulière de ses pétales, cette fleur résistante à la simple beauté ne pouvait que séduire Mademoiselle et devenir un élément de sa propre garde-robe et de son style. Cette fleur symbolique n’a pas tardé à orner des vêtements. Le camélia blanc formait un contraste magnifique avec le noir de ses robes.

Il y a de nombreux camélias dans les appartements successifs de Gabrielle Chanel: on les retrouve sur des chandeliers, dans un bouquet en cristal de roche et disséminés sur les paravents de Coromandel des XVIIe et XVIIIe siècles qui ornent toujours son appartement du 31 rue Cambon à Paris. Elle avait découvert ces paravents de laque chinois en 1910 alors qu’elle vivait sans doute sa plus belle histoire d’amour avec Boy Capel. Elle n’a eu de cesse d’en acquérir tout au long de sa vie jusqu’à en posséder plus d’une trentaine. « La laque, c’est mon élément. Ça ne vous saute pas à la figure. J’ai acheté trente-deux paravents, j’en ai beaucoup donné mais il m’en reste assez pour tapisser ma maison », disait-elle*.

Le symbole du camélia a survécu à la couturière et on le retrouve désormais dans les formulations des cosmétiques Chanel, illustré en motif sur les palettes de maquillage. Et lorsque la Maison s’est lancée dans le monde de la joaillerie et de l’horlogerie, cette fleur symbolique est devenue l’un des éléments majeurs des collections et orne également les garde-temps de belle manière.

Cette fleur à la perfection quasiment géométrique, avec ses contours doux et réguliers, se prête parfaitement à être interprétée en bijoux. Grâce à la magie des ateliers, le camélia se retrouve transmuté en broches précieuses, en pendentifs, en colliers, en motifs d’oreilles. Il se décline en bagues serties allant de la plus simple, comme la bague Extrait de Camélia à la plus sophistiquée.

Le camélia est présent dans de nombreuses collections de haute joaillerie, de manière plus ou moins appuyée: dans la collection Coromandel de 2018 inspirée des précieux paravents de Gabrielle Chanel, dans Escale à Venise, qui passait les icônes de Chanel, le camélia notamment, au prisme de la Sérénissime, ou encore dans Tweed de Chanel, qui réunissait en une collection l’une des matières fétiches de la Maison, le tweed, autour de symboles de Chanel, dont le camélia.

Mais il est une collection en particulier qui a rendu à cette fleur un hommage soutenu: la collection 1.5 1 Camélia 5 Allures, qui fut présentée en 2019. Cette ode précieuse à la fleur emblématique de Chanel s’est écrite en 50 pièces de Haute Joaillerie, dont 23 étaient transformables, permettant ainsi de multiples portés qui signent une allure. Une joaillerie telle que la concevait Gabrielle Chanel lorsqu’elle a créé sa première collection Bijoux de Diamants, en 1932. « Je veux que le bijou soit aux doigts de la femme comme un ruban. Mes rubans sont souples et démontables. (…) Mes bijoux ne restent jamais isolés de l’idée de la femme et de sa robe. C’est parce que les robes changent que mes bijoux se transforment », déclarait-elle alors.**

Ainsi, le collier Rouge Incandescent, en or blanc serti de diamant et d’un magnifique rubis coussin de 7,61 carats est composé d’un camélia détachable pouvant se porter en broche, de même que le camélia ornant le collier Rose Poudré, en or rose et diamants. Dans cette même collection, une montre à secret offrait au camélia son plus beau rôle: celui de dévoiler l’heure à la demande. L’heure, justement, parlons-en…

Le camélia qui donne l’heure

Lorsque Chanel s’est lancé dans l’horlogerie en 1987, la Maison a décidé de collaborer avec la manufacture d’habillage G&F Châtelain basée à la Chaux-de-Fonds, avant de la racheter en 1993. Dès lors, Chanel n’a eu de cesse de renforcer son pôle horloger en faisant appel à différents métiers. Les premiers mouvements Chanel voient le jour en 2005 en collaboration avec des maîtres alors que les premiers calibres maison sont lancés en 2016.

C’est avec un camélia que Chanel obtient son droit d’entrée permanent dans le monde très fermé des grandes complications: en présentant la Première Tourbillon Volant Camélia à Baselworld en 2012 créée en collaboration avec Renaud et Papi. Cette montre est animée par un mouvement à tourbillon volant avec une cage travaillée en forme de camélia, développé en exclusivité pour Chanel par la Manufacture Renaud et Papi (APRP SA). Ce modèle remporte la même année le prix de la montre pour femmes lors du Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG).

C’est encore un camélia, celui de la montre Mademoiselle Privé Camélia Brodé, qui permet à Chanel de remporter l’année suivante, un prix lors du GPHG de 2013, dans la catégorie Métiers d’art. Mais cette fois, la fleur emblématique a été brodée sur le cadran grâce à une technique appelée « peinture à l’aiguille » utilisant plusieurs fils de couleurs différentes, travaillés en alignement pour former un camélia en dégradé de couleurs sur un support de tissu noir.

Et c’est toujours grâce à un camélia qu’au cours de l’édition 2017 du GPHG, Chanel a été récompensé pour la montre Première Camélia Squelette dans la catégorie des montres féminines. Le mouvement de cette pièce, dessinée par le Studio de Création Horlogerie à Paris, puis conçue, développée et assemblée par les équipes de la Manufacture Châtelain, illustre un camélia. Ce deuxième calibre in-house exprime pleinement la vision de la Haute Horlogerie de Chanel. Tous les éléments du mécanisme ont été positionnés de façon à s’effacer pour ne laisser visible que la fleur. Une montre d’une grande poésie qui aura nécessité 3 ans de développement.

La plus récente apparition du camélia dans l’horlogerie de Chanel remonte à 2023. Arnaud Chastaingt, le Directeur du Studio de Création Horlogerie de Chanel, s’est inspiré du pique-aiguille des couturières pour créer la montre Mademoiselle Privé Pique-Aiguilles. Ce modèle inédit de 55 mm de diamètre mettait en avant les métiers d’art de la Maison, avec cinq thématiques différentes. « Son cadran surdimensionné joue les excès et offre une incroyable surface d’expression. J’ai rêvé de cette création comme d’une toile blanche pour les Métiers d’art les plus audacieux», expliquait Arnaud Chastaingt. L’un des cinq modèles, la montre Mademoiselle Privé Pique-Aiguilles Décor Dentelle, était dédié au camélia. Le camélia est une fleur résistante, qui peut vivre mille ans. Chez Chanel, il n’a pas fini de scander en beauté le temps qui passe.

Sources :
*Claude Delay, Chanel solitaire, 1983, Paris, Gallimard, chapitre X, p. 227
* Source : Patrick Mauriès, Les Bijoux de Chanel, 1993, Londres, Thames & Hudson, pp. 23-24