La société, la mode et les territoires : préambule

Chaque semaine, Elisa Palmer, qui évolue dans le monde de la mode depuis plus de 11 ans, va explorer pour ALL-I-C les limites de la mode en un territoire donné. Jusqu’à quel point peut on prendre le bus ou le métro en robe de soirée ? Aller chercher sa fille à l’école en tenue de danseuse de flamenco ? Cette interrogation est née aussi des récentes atteintes à la liberté, inacceptables, subies par des femmes. Pourra-t-on toujours porter une jupe ? Elisa Palmer

Depuis 2009, j’évolue professionnellement dans le secteur mode, et depuis 2018, j’essaye de comprendre ce que l’économie sociale et solidaire signifie. Je voue une admiration sans bornes au principe d’hybridité. D’aucuns parlent d’hybridation. Rassembler des idées est un plaisir infini, dans le cadre de ma petite vie.

Mais quand une discipline est traitée isolement – la mode, la solidarité, l’économie,… – , quand un sujet est sec, presque égoïste, il y a quelque chose qui me manque de manière évidente. Alors, j’ai réfléchi. Qu’est-ce que je pouvais bien faire de ça ? Comment pouvais-je, à mon échelle, les associer et les interroger.

Et là, je me suis souvenue de toutes ces paroles… « Si tu déménages en province, compose toi une garde-robe adaptée… ». « Quand tu viens dans le sud, vas-y mollo sur tes tenues fashion, on est dans le sud, c’est à la cool… ». « En banlieue, je suis pas certain que tu puisses porter tes fringues en sequins… ». « Tu as de la chance de bosser dans la mode à Paris, tu peux tout te permettre question fringues… ». « Change de godasses pour tes Air Max quand tu prends la ligne 5… ». Et cætera… Et ça me trouble, et ça me frappe, et ça me dérange aussi, alors je m’en voudrais beaucoup de ne pas interroger tous ces concepts.

Est-ce que la mode a des territoires, déjà ? Est-ce qu’elle est sectorialisée ? Qu’est-ce que cela veut dire de porter des escarpins à talons hauts et rouges à Paris, à Pantin, ou encore à Roubaix ? Qu’est-ce que le vêtement ou encore l’accessoire raconte, isolément et surtout en mélange, in situ, dans ses contextes ? Qu’est-ce que cela dit de nous aux autres ? Qu’est-ce que cela nous dit, à nous ? Est-ce qu’on se raconte des histoires avec nos fringues ? Est-ce qu’on se déplace, est-ce qu’on voyage, est-ce qu’on change de territoire ? Est-ce qu’on a le droit de porter une robe flamenco pour aller au bureau jeudi, même si on n’est pas (et de très loin) professeur de danse andalouse, et si on bosse dans la Drôme provençale ? Et cætera…

Alors j’ai décidé que chaque mercredi, à partir du 30 septembre, je partagerai une expérience de terrain. Un truc comme je les aime, bien bien casse-gueule selon ces fameux codes de la mode, ces fameuses règles de la féminité, ces injonctions sociales de genre, ces aprioris liés aux territoires et aux espaces…

Je vous donne donc Rendez-vous le 30 septembre, et je me le note aussi. Ma chronique s’appelle la SOCIETE & la MODE & les TERRITOIRES.