Fiat lux !
Un ingénieur de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et une créatrice de bijoux ont lancé la marque The Rayy. Des bagues en or dont jaillissent des messages lumineux lorsqu’elles sont placées sous un rayon de soleil. Simplement magique ! Isabelle Cerboneschi
Et la lumière vint frapper l’or de la bague et un mot en jaillit : Hero.
C’est magique, miraculeux ce bijou qui ressemble à une chevalière sur laquelle on aurait oublié de graver les armoiries de celui ou celle qui le porte. Mais quelle est donc cette sorcellerie ?
De la science, purement de la science ! La bague est en or, jusque là, rien de sorcier. Mais c’est la manière dont la surface de la table a été traitée qui change tout. On perçoit une ébauche de gravure. Cela ne ressemble à rien de connu, hormis à ces vaguelettes que l’on voit au fond des piscines en été. C’est justement là que réside le secret des bagues de la marque The Rayy : dans ces motifs que forment l’eau et que l’on appelle, en termes scientifiques, les caustiques. « Lorsque la lumière vient frapper ces motifs gravés sur l’or, elle change de direction et nous la concentrons intensément pour faire apparaître un message qui vient se refléter sur une surface. Nous voulions rendre les bijoux vivants, amener de la poésie dans cet objet. », explique Romain Testuz, le CEO de The Rayy et détenteur d’un master en en informatique obtenu à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
La conception de ces bijoux est tellement complexe, et les brevets si bien déposés, que Romain Testuz, ne craint pas d’en révéler le secret. « Les caustiques sont ces motifs lumineux que l’on voit au fond d’une piscine, en été, explique-t-il. Ce sont des concentrations de rayons de lumière qui forment de petites lignes. Nous avons réussi à dompter ces motifs aléatoires en calculant le chemin inverse de la lumière. Nous savons ce que nous aimerions projeter comme message. Nous devons donc trouver la forme des motifs de la bague afin d’y parvenir. » A l’écouter, cela paraît très simple. Mais en réalité il aura fallu effectuer huit années de recherches à l’EPFL sur les rayons de lumière.
« Nous avons mis au point cette technologie avec le Professeur Mark Pauly (qui dirige le laboratoire d’informatique graphique et géométrique de l’EPFL, ndlr) et le docteur Yuliy Schwartzburg. Quand nous avons vu les premiers résultats, nous ne pouvions pas les laisser reposer dans un tiroir de l’EPFL. Il y avait un potentiel immense », explique Romain Testuz.
La matière précieuse est usinée chez des fabricants suisses, sculptée avec des machines CNC, comme celles utilisées dans l’horlogerie. Chaque courbe permet de changer légèrement la direction de la lumière et permettre de la concentrer dans un message. « Cela fonctionnait en théorie dans notre ordinateur mais nous n’étions pas sûrs que nous réussirions à créer un objet avec une telle précision, confie le CEO. Nous avons travaillé avec de grandes maisons de luxe, d’horlogerie, de parfumerie. Les projets sont en cours. »
L’ingénieur a demandé à la créatrice de bijoux Noémie Arrigo de mettre son rêve en forme. Cette joaillière autodidacte, dotée d’un master en design à l’Université des Arts de Zürich, a fonde sa marque Bijoux Coquette en 2013. Ses créations, épurées, graphiques, tranchent avec le nom très girly de la marque. Depuis 2019, elle est la directrice artistique de The Rayy.
Noémie Arrigo a très bien compris l’esprit qu’il fallait insuffler dans ces bijoux à messages. En résulte une collection faussement sage, avec des formes pures, douces, qui ne font pas concurrence à la magie de la lumière et des mots. « Ces bagues sont des bijous très personnels : on dévoile son secret, ou pas », explique la créatrice. Elle accepte de révéler le message caché sur les deux bagues qu’elle porte à son doigt. « Super Muse ».
« Ma première idée fut de travailler l’alliance et de remplacer la gravure classique par des initiales de lumière, dit-elle. Puis nous avons commencé à travailler sur d’autres pièces. Romain Testuz me donnait toutes les contraintes techniques que je devais respecter et je devais donner un corps à cette technologie, qui soit visuellement beau, même sans soleil. J’ai pensé à une bague unisexe, avec des formes géométriques simples – des ronds, des traits – un langage épuré car le message parle de lui-même. » Certaines pièces sont serties. Mais pas question de toucher au diamant qui possède déjà suffisamment de facettes et de lumière.
« Lorsque l’on nage avec la bague, et que l’on sort de l’eau, le soleil se reflète sur le bijou et dispense ses mots, souligne Noémie Arrigo. C’est comme une technologie naturelle naturelle : on n’a pas besoin de la recharger. » Avec la beauté en plus…